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Astérix et l'art classique

De Rembrandt à Pagnol, comment Uderzo a puisé aux sources iconographiques de la peinture classique, de sculpture et du cinéma, sa première passion.

C’est sûr, vous ne lirez plus Astérix de la même façon une fois que vous aurez parcouru ce petit article, en effet, Uderzo, le dessinateur d’Astérix s’est amusé à semer, au fil des cases de ses albums, des clins d’œil à des tableaux célèbres.

Ils passent parfois inaperçus mais ravissent ceux qui les découvrent. En voici, un petit florilège, il y en a certainement d’autres.


Dans l’album Le Devin, on découvre cette case :


Il s’agit d’une séance de divination : les notables du village gaulois, inquiets que le ciel puisse leur tomber sur la tête, observent intensément le devin qui tente de lire l’avenir dans les entrailles d’un poisson. Une scène comique qui ne se distingue a priori pas des autres scènes de l’album.


Pourtant... Dans son tableau La leçon d’anatomie du docteur Tulp, réalisé en (1632), Rembrandt met en scène un grand professeur de chirurgie d’Amsterdam, le docteur Tulp, dans une séance de dissection d’un cadavre à laquelle assistent ses principaux disciples.


Mais pour en revenir à la comparaison de nos deux œuvres, vous pouvez vérifier, tout y est : le nombre de personnages, leur position, leur regard, le "cadavre", et même l’éclairage...

Seul le regard de défi - et de connivence - d’Astérix, pointé nettement sur le spectateur, constitue une modification de sens importante...

Le radeau de la Méduse


Je suis médusé, cette expression est celle qu’emploie le chef des pirates, affalé sur un radeau, tout ce qui reste de son navire, coulé une fois de plus par Astérix de l’album Asterix, légionnaire.

Une scène habituelle donc. A l’exception de ce petit indice : « Je suis médusé ! ».

Pourtant, ceux qui sont allés au Louvre savent que la vignette en question tire son inspiration d’un tableau colossal : 4,91 mètres de haut par 7,16 mètres de large !

Il s’agit de la toile intitulée Le radeau de la Méduse, réalisée par Théodore Géricault en 1819 et inspirée elle-même par le naufrage de la frégate La Méduse en 1816. Une partie de l’équipage (150 personnes) prit place sur ce radeau et dériva pendant 12 jours.

Lorsqu’en fin une voile se profila à l’horizon, il ne restait plus que quinze survivants. C’est cet instant d’espoir que le peintre a choisi de représenter.

Contrairement à l’exemple précédent, Uderzo ne conserve guère ici que l’architecture de la peinture originale.

Les pirates ont pris des baffes mais ils n’y a pas de morts. La situation étant bien différente, on ne retrouve pas cet élan vers la vie, si puissant dans le tableau de Géricault. Uderzo dépeint plutôt la résignation des pirates : les mouchoirs qui s’agitent n’adressent aucun signal à un navire de sauvetage mais bien au contraire disent adieu à leur bateau qui s’enfonce dans les flots. Le dessinateur prend aussi beaucoup de libertés avec les personnages dont le nombre et la position ne correspondent que grossièrement à l’original.

On est donc ici dans une transposition comique du thème dramatique de Géricault plutôt que dans un pastiche proprement dit.

L’État c’est moi !


Attribuée à Louis XIV, cette phrase célèbre n’a sans doute jamais été réellement prononcée. Mais elle fait partie de la légende qui entoure le roi-soleil.

La preuve ? On la retrouve, légèrement adaptée, dans l’album Le grand fossé.

Astérix - Le grand fossé - Ségrégationnix, chef gaulois

Et pour parfaire la référence, Uderzo va chercher cette fois son inspiration dans l’un des portraits les plus célèbres du grand roi, réalisé par le peintre Hyacinthe Rigaud en 1701.

Cette fois cependant, il n’est plus question ni de pastiche ni même de transposition. Uderzo ne retient de l’original que la posture d’autorité et quelques regalia : le manteau, l’épée et le sceptre. Il ne s’agit donc cette fois que d’une assez vague allusion au tableau de Rigaud.

On peut ajouter que le chef Ségrégationnix ressemble bien davantage au général De Gaulle qu’à Louis XIV !


Vercingétorix reste fier


Pour des générations de lecteur d’Astérix, l’image de la reddition de Vercingétorix s’avère des plus burlesques : l’ombrageux chef gaulois jette ses armes – non aux pieds – mais sur les pieds de Jules César.


Qui peut prétendre avoir reconnu dans cette image sa source d’inspiration par Lionel Royer ?

On a totalement oublié celle-ci, pourtant capitale. Sous le second Empire, et plus particulièrement durant la IIIe République qui succédait à la défaite contre la Prusse, Vercingétorix constitue une figure de propagande patriotique que les artistes pompiers se doivent d’exalter.


La vignette d’Astérix est désormais plus célèbre que le tableau du maître. Et si elle est moins spectaculaire, elle est en tout cas plus insolente.


Le banquet final est de tradition dans les aventures d’Asterix.


Toutefois, dans l’album Asterix chez les Belges, on mange vraiment souvent, mais c’est la page 47 qui retient l’attention :


Astérix chez les Belges : le banquet chez les Belges d’après Brueghel l’Ancien.

Il s’agit d’un banquet "chez les Belges", traité dans un style assez différent du style habitueld’Uderzo.

Justement, ce qui disparaît, c’est la ligne claire et les couleurs contrastées (toute la vignette est dans un dégradé de brun). Il y a même des effets de volume qui donnent une apparence très nouvelle aux personnages que l’on reconnaît bien pourtant : Astérix, Obélix, Abraracourcix...


En fait, une fois de plus, Uderzo s’inspire d’une peinture ancienne, et même doublement : il emprunte et la forme et le sujet, puisqu’il s’agit de l’œuvre de Pieter Brueghel l’Ancien, intitulée La noce au village.


Article largement inspiré par Pierre Méra


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