Le rituel des dunes
De Jean-Marie Blas de Roblès, aux éditions Zulma, 2019
Un roman de Jean-Marie Blas de Roblès cela se lit comme déguster une très bonne gourmandise, une de celles que l’on dévore d’avance des yeux. On sait, que le lecteur y explore des saveurs inconnues et y savoure une écriture pleine de subtilités. Le rituel des dunes ne déroge pas à la règle pourtant l’écriture labyrinthique est parfois déroutante. Comme l’écrit lui-même l’auteur « Il n’y avait rien de plus facile que de tuer le Minotaure, c’était comme d’exécuter un bœuf dans son box : il suffisait d’obéir au labyrinthe, de se laisser porter par ses méandres ». Car tel est le secret du livre, ne pas forcément chercher à comprendre mais glisser de pages en pages.
Roetgen et Beverly se rencontrent en Chine, et plus précisément à Tientsin. Elle est séduite par la jeunesse de Roetgen et lui par l’excentricité et l’exubérance de cette américaine, de vingt ans son aînée. Ils se racontent des vies vécues et inventées jusqu’à ne point démêler fiction et réalité. Mais Beverly, elle, passionnée fait de plus en plus difficilement la part des choses.
Les multiples histoires s’enchainent sans lien, ni continuité, pourtant, il semble au fur et à mesure de la lecture que les récits s’emmêlent et se nourrissent les uns les autres. Je ne peux cacher que ce roman est exigeant et qu’il n’est pas dans mes préférés de l’écrivain, mais le style et le texte sont si riches qu’il est facile de se laisser emporter par les flots de mots..
Début du livre « Macao, et c’est presque le soir sur la terrasse du Boa Vista. Roetgen est assis derrière les balustres rongés par les embruns, entre des colonnes – vert amande et blanc alternés – qui rythment la façade victorienne de l’hôtel. Sur la Baia da Praia Grande, la mer, jaune sale et affligée de maladives taches roses, se confond maintenant avec le ciel. »
Extrait « Pourquoi son cerveau a-t-il enregistré aussi minutieusement chacun de ses instants avec Beverly ? Tant de neurones convoqués pour une femme qu’il n’avait pas aimée ! Il devait bien y avoir une raison, une chambre secrète sous le mausolée en ruine des souvenirs ? Tout le monde connaît l’utilité de l’utile mais personne ne sait l’utilité de l’inutile. Il sourit, lève la tête : immobile sur le mur, la tarente est toujours à la place exacte qu’elle occupait précédemment. »
Extrait « Les dunes – ces formes qui ignorent l’usure parce qu’elles sont l’indestructible et parfait aboutissement – étaient le symbole de notre amitié, son territoire privilégié. L’enthousiasme infatigable des enfants ne servait que de prétexte : retourner au buraco, c’était surtout renouveler cette communion d’esprit, lui donner tout son sens dans un temple conforme à sa mesure. »
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