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Toutes les vagues de l'océan

De Víctor del Árbol, aux éditions Babel, 2014


Gros coup de cœur pour ce livre qui dépasse largement le cadre du roman policier. Víctor del Árbol y déploie un talent extraordinaire pour retracer une fresque historique de près de 80 ans. A travers des personnages extrêmement contrastés qui oscillent tous entre les sentiments et les actes les plus contradictoires, il explore les limites de l’homme soumis aux remous les plus abjects de la grande « Histoire ». Il n’est plus question d’ombres et de lumières, chacun prend sa part de lâcheté et de courage, ce qui nous délivre un roman non convenu et époustouflant.


En 2002, Laura la sœur de l’avocat Gonzalo Gil s’est suicidée. Un nouveau drame dans cette famille déjà éprouvée par l’assassinat de Roberto, le fils de Laura, quelques années plus tôt. Mais cette mort va réveiller tous les démons endormis depuis 1967, tous les secrets et les rancœurs nées en URSS durant les années Staliniennes, la guerre espagnole, la retirada, les conflits de personnes. Gonzalo Gil de gré ou de force s’engage dans une lutte disproportionnée contre la mafia russe et les grands intérêts immobiliers.


Toutes les vagues de l’océan démontre la puissance du passé qui déferle sur les générations successives. Elles subissent le poids des actes volontaires et de la fatalité. Les hommes et les femmes d’un huis clos intergénérationnel s’aiment et se haïssent jusqu’à leur dernier souffle. Víctor del Árbol manie le présent et le passé avec le génie d’un véritable maître horloger dont la pendule littéraire imbrique de façon implacable les chapitres de ce roman fleuve.



L’affaire de Nazino est la déportation massive en 1933 en URSS de 6 000 personnes sur la petite île fluviale de Nazino (en russe : остров Назино). Plus de 4 000 de ces déportés y trouvent la mort. Située sur l'Ob, dans une région isolée de Sibérie occidentale à 800 km au nord de Tomsk, Nazino est surnommée en russe l'« île de la mort » (Остров Смерти, Ostrov Smerti) ou encore l'« île aux cannibales ».


Les déportés y ont été abandonnés avec seulement de la farine pour nourriture, aucun outil, leurs seuls vêtements qu'ils portaient lors de leur arrestation et sans abris. Surveillés par des gardes recrutés localement, très rapidement dépassés par les événements, et par des commandants profitant de la situation, les déportés les plus faibles furent rapidement victimes d'actes de cannibalisme pratiqués par des bandes organisées au sein des déportés.


Un rapport sur les événements fut envoyé à Staline par Vassili Arsenievich Velichko et distribué par Lazare Kaganovitch aux membres du Politburo, rapport qui sera archivé à Novossibirsk. Dans celui-ci, il déclare que « 6 114 éléments socialement nuisibles ou sans classe » sont arrivés sur l'île fin mai 1933. Une partie de ces déportés étaient de petits délinquants récidivistes, mais l'immense majorité se composait de vagabonds et de paysans dékoulakisés qui avaient fui leurs villages et étaient sans papiers. Arrêtés lors de rafles ordonnées par Staline, ils ont été transportés de Moscou et de Léningrad par train jusqu'à Tomsk puis par barges fluviales jusqu'à Nazino. Au moins 27 déportés sont morts lors du transport.


L'île mesure 3 kilomètres de long sur 500 mètres de large. Il n'y avait pas d'abri, il a neigé la première nuit et aucune nourriture ne fut distribuée pendant 4 jours. Le premier jour, 295 personnes ont été enterrées.


Une commission spéciale fut mise en place en septembre 1933 par le comité régional du Parti communiste de la Sibérie occidentale. Ses rapports ne seront publiés qu'en 2002 par l'ONG russe Memorial.

Début du livre « Après la pluie, le tracé du paysage était plus accusé et les couleurs de la forêt plus violentes. Le va-et-vient des essuie-glaces semblait moins désespéré qu’à la sortie de Barcelone, une heure auparavant. Au loin, on voyait les montagnes qui maintenant, à la nuit tombante, n’était plus qu’une forme obscure. »


Extrait « C’est l’ennui avec les bureaucrates : au lieu de regarder les personnes, leur visage, leurs cheveux, leur peau, ils les cherchent dans leurs paperasses ridicules, sans se rendre compte qu’elles sont devant eux. Ce qui les rend méprisables, ce n’est pas ce qu’ils font, c’est leur façon de la faire, leur répugnant échafaudage de mots et de concepts absurdes, qui justifie et nettoie leur conscience. Voilà pourquoi derrière leur bureau et leurs rapports, ils peuvent devenir des tueurs. »


Extrait « - Il neige sur Moscou tous les hivers. Les tuyauteries pètent, les chaudières éclatent et les rues sont fermées. Hiver après hiver, c’est toujours la même situation. Des centaines d’équipes d’ouvriers se crèvent à ouvrir des accès, à jeter du sel sur les trottoirs, à réparer les conduites et à stocker de la nourriture. Mais cela n’empêche pas qu’il continue de neiger. – Il serra son poing ganté sous le nez d’Elias ; le cuir du gant crissa. – Le pouvoir est aux mains d’un gouvernement réactionnaire et de philo-fascistes. Ils sont devenus la neige qui tombe sans répit sur nous, ils contrôlent tous les appareils de répression, de presse et le parlement. »




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