Voyages avec un âne dans les Cévennes
De Robert Louis Stevenson, aux éditions 10/18, 1879
Ce livre était dans ma PAL depuis plus de 10 ans, il m’attirait mais je ne le saisissais pas. Puis, la période de confinement à été propice à la réduction de l’ensemble des livres en attente dans ma bibliothèque. En fait, c’est une très bonne surprise, ce récit de voyage m’a véritablement embarqué dans cette région des Cévennes chargée de drames historiques et de légendes. Stevenson a l’art de raconter des histoires et de réjouir ses lecteurs.
En cette fin du XIXème siècle, Robert Louis Stevenson entreprend de traverser les Cévennes accompagné d’un bourriquet, en ce sens il devient la curiosité de tous les autochtones, pour lesquelles le voyage doit avoir un autre sens que celui du seul plaisir. Il traverse ce pays au caractère bien marqué par les souvenirs encore vivaces des guerres de religion. Son parcours est semé de rencontres plus ou moins délicieuses, des nuits à la belle étoile dont il vante les vertus et de la magie des paysages.
Avec Stevenson, c’est aussi David Henry Thoreau que nous suivons, l’approche n’est pas la même à l’évidence, mais elle rappelle les points de convergence qui sont la redécouverte de plaisirs simples loin de la civilisation et les rencontres entre personnes que le milieu social n’aurait pas permis de croiser. Stevenson accompagne son récit de faits historiques, sociaux, culturels et cultuels qui font de son voyage une étude ethnologique des Cévennes. Un beau livre à découvrir à l’ombre d’un arbre.
Les Cévennes forment une chaîne montagneuse faisant partie du Massif central, située entre les départements de la Lozère et du Gard, prolongeant au sud les monts du Vivarais situés en Ardèche et en Haute-Loire, et au nord les monts de Lacaune et de l'Espinouse situés en partie dans le département de l'Hérault. La dénomination inclut également, sur ses contreforts sud-est, une partie de la plaine méridionale dont fait partie le bassin alésien.
Les Cévennes furent le théâtre de la guerre des Camisards, opposant les partisans de la Réforme (protestants) aux troupes (catholiques) du roi (les dragons) entre 1702 et 1704–1705 (mais dans les faits, la répression dura jusqu'à la Révolution française).
Dès les XVIe et XVIIe siècles, les diocèses de Mende, Nîmes, d'Alais (Alès) et d'Uzès furent agités par les guerres religieuses. Bien que sans cesse persécutés (dès 1660 avec les dragonnades), les protestants y étaient nombreux quand la révocation de l'édit de Nantes (18 octobre 1685) vint les frapper d'une proscription générale. On leur envoya alors des missionnaires et des soldats, qui en convertirent quelques-uns seulement. En effet, le plus grand nombre préféra se cacher dans le maquis cévenol (« le désert »), s'expatrier ou souffrir pour ses croyances.
Début du livre « Dans une petite localité, nommée Le Monastier, sise en une agréable vallée de la montagne, à quinze milles du Puy, j’ai passé environ un mois de journées délicieuses. Le Monastier est fameux par la fabrication de dentelles, par l’ivrognerie, par la liberté des propos et les dissensions politiques sans égales. »
Extrait « Mais quel changement angélique depuis la veille ! Plus de manipulation du brutal gourdin ! Plus de fouettage d’un bras endolori ! Plus d’exercice de lutte, mais une escrime discrète et aristocratique ! Et qu’importait, si de temps à autre, une goutte de sang apparaissait, telle une cale, sur la croupe couleur de souris de Modestine ? J’eusse préféré autrement, certes, mais les exploits d’hier avaient purgé mon cœur de toute humanité. Le petit démon pervers, qu’on n’avait pu mater par la bonté, devait obéir quand même à la piqûre. »
Extrait « La nuit est un temps de mortelle monotonie sous un toit ; en plein air, par contre, elle s’écoule, légère parmi les astres et la rosée et les parfums. Les heures y sont marquées par les changements sur le visage de la nature. Ce qui ressemble à une mort momentanée aux gens qu’étouffent murs et rideaux n’est qu’un sommeil sans pesanteur et vivant pour qui dort en plein champ. La nuit entière il peut entendre la nature respirer à souffles profonds et libre. Même lorsqu’elle se repose, elle remue et sourit et il y a une heure émouvante ignorée par ceux qui habitent les maisons : lorsqu’une impression de réveil passe au large sur l’hémisphère endormi et qu’au-dehors tout le reste du monde se lève. »