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Alto Braco

De Vanessa Bamberger, aux éditions Liana Levi, 2018


Ce roman m’a totalement emballé. Alors peut-être ne suis-je pas tout à fait objectif, car tous mes souvenirs de vacances d’enfance me ramènent dans le Nord-Aveyron, vers ces terres qui bercent encore mon imaginaire. Les plateaux ventés, les balades en forêt, la pêche dans les petits cours d’eau, les belles vaches, les bâtisses en pierre, le forail et les quilles, l’aligot, mes premiers pas et mes premières brasses,… autant de moments de bonheur absolu. Donc chaque mot de Vanessa Bamberger me parle au plus profond. Pourtant pour être tout à fait subjectif, c’est un magnifique roman dont l’écriture et les sentiments qui s’en dégagent sont les témoignages d’un grand talent.


Brune vient de perdre Douce, sa grand-mère, accompagnée par sa grand-tante, Granita, elles conduisent le corps dans l’Aveyron pour ce dernier voyage vers sa terre natale. Pour Brune, désormais directrice de crèche à Paris, c’est la découverte de la terre de ses ancêtres et des membres de sa famille. Douce et Granita ont quitté le pays très jeunes pour tenir un bistrot à Paris, et ont élevé Brune à la mort de sa mère. Le retour sur les terres d’Aubrac va réveiller chez Brune le sentiment d’appartenance viscéral à ce « Haut lieu ».


Au-delà de l’Aubrac, ce lieu qui peut enflammer tous les imaginaires, Alto Braco est un roman sur la transmission d’une appartenance, d’une culture, d’un terroir et de ses croyances. Vanessa Bamberger l’exprime avec une profonde passion dans une écriture simple et attachante. Mais il y aussi le revers de cette transmission, les non-dits, les secrets de famille, les jalousies et les déceptions. C’est un héritage qu’il faut assumer pour suivre son propre chemin. J’ai acheté ce livre à la librairie Pont Virgule à Espalion, alors que je faisais découvrir ce territoire à mon fils, je ne pouvais espérer mieux.

L'Aubrac est un haut plateau volcanique et granitique français situé dans le centre-sud du Massif central et aux confins des trois départements de l'Aveyron, du Cantal et de la Lozère. Il est bordé au nord-ouest par les monts du Cantal, à l'est par la Margeride et au sud par les plateaux calcaires des Grands Causses.


L'Aubrac est aujourd'hui essentiellement une zone d'élevage extensif pour la viande, ce qui n'était pas le cas par le passé (jusque dans les années 1960) où l'on fabriquait la fourme de Laguiole pendant l'été dans les mazucs (burons en français). Dans chaque buron, officiait une équipe hiérarchisée où chacun avait une tâche précise à accomplir (traite des vaches, soin des veaux, élaboration du fromage...).


C'était « l'âge d'or » de l'Aubrac et son souvenir imprègne encore fortement la mémoire collective. L'aligot, plat traditionnel de l'Aubrac à base de tome fraîche et de pommes de terre, est directement lié au fromage de Laguiole ; la tome fraîche est issue de son cycle de transformation.



Début du livre « Je me suis réveillée en sursaut, le bras gauche paralysé. Paniquée, je me suis frotté vigoureusement la peau. Le sang a recommencé à circuler, et j’ai retrouvé l’usage de mon bras. Il m’a fallu quelques secondes pour me débarrasser des rets du sommeil, reprendre mes esprits. Nous étions le 30 octobre et j’enterrais Douce. »


Extrait « On ne voulait pas vivre à Lacalm mais on voulait y mourir. Entre les paysans d’ici et les cafetiers de Paris, la liste d’attente était peut-être longue. J’imaginais qu’en Aubrac, même la terre du cimetière s’avérait chère et disputée. Parmi ceux dont réduirait le corps et jetterait les ossements à la fosse commune, certains s’étaient probablement battus toute leur vie pour conserver leur parcelle, tout cela pour en être expropriés à leur mort. On pouvait donc vous exiler du cimetière. »


Extrait « Je n’ai pas eu à attendre longtemps pour voir le plan d’eau se soulever, des formes apparaître. J’avais l’impression d’êtres ondulant sous la surface. De monstres amphibies. Les fantômes des enfants sacrifiés ? J’avais beau me dire que le vent était seul responsable de ces mouvements aquatiques, la vision me troublait profondément. En réalité, j’étais perturbée par la certitude de reconnaître l’endroit. J’étais déjà venue ici. Je devais avoir pris une mine effrayée car Gabriel a éclaté de rire. »

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