📙 Ceux qui vont mourir te saluent
De Fred Vargas, aux éditions J'ai Lu, 1994
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Je retrouve avec beaucoup de plaisir le style de Fred Vargas, porté par des personnages toujours aussi décalés et une sorte d’éloge de la lenteur. Pourtant, il y a bien des meurtres, des flics et des assassins, mais ils jouent ensemble un ballet qui relève plus de l’esthétique que de l’enquête policière. Ce drame noir, joué dans le décor de la ville éternelle, rassemble des personnages attachants et les lie dans une belle prose poétique. Fred Vargas ne propose pas de surenchère d’hémoglobine, d’intrigues trop alambiquées ou de psychopathes incroyables mais juste de l’amour qui tourne mal.
L’apparition d’un dessin inédit de Michel-Ange met en émoi Henri Valhubert, un célèbre collectionneur de Paris et proche des pouvoirs politiques. Quelques jours plus tard, ce dernier est retrouvé assassiné, par empoisonnement, à Rome. Les soupçons de la police italienne se portent rapidement sur son fils, Claude, présent sur les lieux du crime. Mais l’enquête met concomitamment à jour les liens, peu communs, entre Claude, ses deux amis se faisant appelés Néron et Tibère, son envoûtante belle-mère et un évêque.
L’écriture de Fred Vargas est toujours aussi apaisante, une douceur pour l’esprit. Quant à l’histoire, les liens s’allongent, forment des nœuds qui se défont petit à petit ou se resserrent autour des protagonistes. Tous les personnages de Fred Vargas sont étranges, leurs réactions sont décalées sauf celles de l’assassin… Fred Vargas est décidément une enchanteresse du roman policier français.
Début du livre « Les deux jeunes gens tuaient le temps dans la gare centrale de Rome.
- A quelle heure arrive son train ? demanda Néron.
- Dans une heure vingt, dit Tibère.
- Tu comptes rester comme ça longtemps ? Tu comptes rester à attendre cette femme sans bouger ?
- Oui. »
Extrait « Ruggieri observait Laura Valhubert pendant qu’un homme repoussait le drap qui couvrait le corps de son mari. Lui, il l’avait déjà vu, et il savait que le mort avait gardé la bouche ouverte, et qu’il était très pénible à regarder. Laura Valhubert avait voulu rester debout. Elle serrait ses bras contre elle, le menton baissé, contractant sa résistance. Ruggieri l’avait laissée allumer une cigarette bien que ce fût absolument interdit par le règlement. »
Extrait « Depuis deux heures, Richard Valence ne faisait plus rien, il avait classé ses notes, débarrassé sa table, et, assis sans bouger sur sa chaise, il regardait les toits de Rome par la fenêtre fermée. Le soir tomberait bientôt. Ce qu’avait à lui dire l’inspecteur Ruggieri et Mgr Vitelli ne l’intéressait pas. Il avait bouclé son rapport, il en remettrait un double à la police italienne, il en adresserait un autre à Edouard Valhubert, il en garderait l’original pour lui en souvenir, et il repartirait demain pour Milan. Ça exploserait derrière lui. C’était fini. »
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