📙 [𝓒𝓱𝓻𝓸𝓷𝓲𝓺𝓾𝒆] Chien 51

De Laurent Gaudé, aux éditions Actes Sud, 2022

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[Coup de cœur] Encore un roman de Laurent Gaudé qui tient toutes ses promesses. Dans un futur pas forcément lointain ou alternatif, les grandes multinationales rachètent des pays entiers, transformant ainsi les habitants en salariés. Le décor est planté, noir et sans ambiguïtés, sur ce que vaut la vie d’un être humain. Un univers sombre qui m’a fait penser à Blade Runner même si le contexte est totalement différent. Dans ce genre, la fiction, Laurent Gaudé excelle par son style mais aussi dans la conceptualisation des messages portés grâce à son écriture. Une histoire qui va bien au-delà d’une enquête de flics et nous interroge sur l’avenir de nos sociétés.

Trois niveaux de société dans la tentaculaire cité privatisée de Magnapole en Grèce. Dans la zone 3, c’est l’abandon et la misère qui sévissent. Pourtant, lorsque que le cadavre éventré d’un homme est retrouvé, une enquête est tout de même ouverte et c’est Zem Sparak qui en est chargé. Il est ce que l’on appelle un « chien » car il doit obéir au doigt et à l’œil de la police de la zone 2. Très rapidement, il devra composer avec la jeune inspectrice Malberg de la zone 2 et aller au bout d’histoires nauséabondes pour démêler les liens sordides entre les habitants des différentes zones dans cette cité ultra fracturée.

Un livre très engagé comme l’auteur a pu l’être dans d’autres de ses romans, tel que Eldorado. En décrivant une humanité très opposée entre très riches et miséreux, très surveillée, des multinationales sans foi ni loi, il présente une dystopie non loin de ce que l’on vit au début de notre XXIème siècle. Il se sert du genre « thriller » pour dénoncer toutes ces inégalités sociales et politiques qui frappent notre monde. Il est dur de constater que Laurent Gaudé n’est sûrement pas très loin d’un futur proche. Toutefois, il montre aussi que certains individus tentent d’aller à l’encontre de ce système.

❓ Appréciez-vous les romans qui posent questions sur notre futur ?

𝓓𝒆́𝓫𝓾𝓽 𝓭𝓾 𝓵𝓲𝓿𝓻𝒆 « D’un coup, la ville devint folle. Lorsque les dirigeants de GoldTex annoncèrent que le rachat de la Grèce était finalisé, les citoyens d’Athènes furent pris de panique. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Tout parle chez nous, dit-il avec un air de prophète. Les canettes qui roulent sur les trottoirs, les rats qui fouillent les poubelles, les vieux cartons abandonnés au pied des immeubles, tout. Ça s’agite et remue. Ici, la loi, c’est le tourment. Il faut plonger dans la boue pour embrasser la vérité. Fracas… Fracas !... Tu verras. Même avec les yeux fermés ! »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Des prospectus pour promouvoir les abonnements à Destiny. « Chaque jour, une chance… Forcez votre destin… » Il est sûr que lorsqu’ils appelleront le banquier de la victime, celui-ci leur dira que la demoiselle a contracté tous les abonnements imaginables pour toutes les loteries du monde. L’appartement respire le désir de partir, de s’extraire, mais mal, comme le font les pauvres, en s’enfonçant toujours plus. Elle n’avait aucune chance avec ses billets de tombola pour lesquels elle a sûrement dû s’endetter. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « « il faut écouter ceux qui ne nous aiment pas », disait Dombro. Il le répétait sans cesse. « Il faut écouter leur haine. C’est elle qui nous fait comprendre le dossier. » »