📙 [Chronique] L’anomalie

De Hervé Le Tellier, aux éditions Gallimard, 2020

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Dès les premières pages, je sens que ce roman va me happer très facilement, suis-je bon public ? Peut-être, mais il faut dire que les chapitres s’enchainent, les personnages aussi, et les pièces du puzzle se mettent en place. Et une fois le puzzle terminé, c’est qu’apparait dans sa plénitude le mystère de L’anomalie. Le roman se découpe en trois grandes parties aux ressorts parfois caricaturaux, mais à l’intensité toujours aussi addictive. Réel et fantastique se mêlent au pragmatisme de la géopolitique et aux aléas des sentiments. Hervé Le Tellier se sert d’un conte pour explorer l’âme humaine avec beaucoup de perspicacité.

Tous les jours, des milliers de passagers voyagent en avion et sillonnent la planète, pourtant certains ont vécu une expérience assez traumatisante. En effet, en mars 2021, le Paris / New-York, leur avion Air France 006 a traversé un orage d’une violence extrême. Plus de deux cents voyageurs et l’équipage ont cru leur dernière heure arriver. Heureusement, ils vont s’en sortir et reprendre le cours de leurs vies. Pourtant, deux mois plus tard, leur existence va connaitre un tournant incroyable et même inexplicable par les plus grands scientifiques du monde.

Dans l’anomalie Hervé Le Tellier, propose des situations improbables et des personnages complexes. Grâce à ce mélange bien dosé, il multiplie les situations et donc les émotions humaines et les questionnements philosophiques. Il n’est pas étonnant qu’Hervé Le Tellier soit membre de l’Oulipo, en se posant des contraintes dans le style et dans l’intrigue, il fait émerger un texte étonnant et original. Avec l’anomalie, l’auteur nous invite à réfléchir sur la nature de la vérité et notre place dans l’univers. Bien joué.

❓Connaissez-vous d’autres romans d’Hervé Le Tellier ?

L’Oulipo …L'Ouvroir de littérature potentielle, généralement désigné par son acronyme Oulipo (ou OuLiPo), est un groupe de recherche littéraire fondé en 1960 par le mathématicien François Le Lionnais et l'écrivain et poète Raymond Queneau. Il a pour but de découvrir de nouvelles potentialités du langage et de moderniser l'expression à travers des jeux d’écriture. Le groupe est célèbre pour ses défis mathématiques imposés à la langue, obligeant à des astuces créatives. L'Oulipo est fondé sur le principe que la contrainte provoque et incite à la recherche de solutions originales. Il faut déjouer les habitudes pour atteindre la nouveauté. Ainsi, les membres fondateurs se plaisaient à se décrire comme des « rats qui construisent eux-mêmes le labyrinthe dont ils se proposent de sortir ».

Parmi les œuvres les plus connues publiées par des oulipiens figurent Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau, La Vie mode d'emploi de Georges Perec et Si par une nuit d'hiver un voyageur d'Italo Calvino.

Début du livre « Tuer quelqu’un, ça compte pour rien. Faut observer, surveiller, réfléchir, beaucoup, et au moment où, creuser le vide. Voilà. Creuser le vide. Se débrouiller pour que l’univers rétrécisse, rétrécisse jusqu’à se condenser dans le canon du fusil ou la pointe du couteau. »

Extrait « Et comme Adrian Miller voue un culte au livre de Douglas Adams, Le guide du voyageur galactique, et à sa « grande question sur la vie, l’univers et le reste », question à laquelle « Pensée profonde », deuxième plus grand ordinateur de tous les temps, répond, après sept millions et demi d’années de calcul : « 42 », ce sera le protocole 42. »

Extrait « Et mieux encore, pourquoi ces génies farceurs n’auraient-ils pas imaginé que chaque programme religieux prierait le mauvais Dieu. Et une fois mort, surprise, mon pote, t’étais baptiste, bouddhiste, juif, musulman ? Mais fallait être mormon, Ducon ! Allez hop, tout le monde en enfer ! »

Extrait « Et demain soir dimanche, lundi matin au plus tard, l’armée confie tout ce joli monde au FBI. Un problème avec ça, Jamy ?

-          Aucun, mon général. Je ne connais pas de problème qui résiste à une absence de solution. »

Extrait « Ce mal, c’est Elpis, l’Espérance. C’est le pire de tous les maux. C’est l’espérance qui nous interdit d’agir, c’est l’espérance qui prolonge le malheur des hommes, puisque, n’est-ce pas, contre toute évidence, « tout va s’arranger ». Ne peut pas être ce qui ne doit pas être… La vraie question que nous devrions chaque fois nous poser est celle-ci : « En quoi est-ce qu’accepter un point de vue donné m’arrange ? »