📙 [Chronique] L’impudeur des choses
De Jean-Marie Blas de Roblès, aux éditions Seuil, 1987
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Étant un grand admirateur de Jean-Marie Blas de Roblès, ce n’est pas évident de passer à côté d’un récit. Pourtant, cet ouvrage est écrit avec beaucoup de talent et une force stylistique propre à cet écrivain. Malgré tout cela, je ne suis pas rentré dans le texte, dont une certaine « horreur » crue du quotidien m’a oppressé. L’auteur nous installe en tant qu’observateur d’une certaine folie qui pourrait se situer dans la maison voisine. Cette ambiance de décadence dérangeant m’a mis mal à l’aise. De toute façon, le titre de l’ouvrage était un avertissement !
Au hameau de Ribières en Provence, se déroule un étrange huis-clos entre Loisinger, artiste peintre dont l’expression touche au morbide, l’étrange Séraphin, garde champêtre et son fils adolescent, Féli, handicapé moteur et aveugle. Dans ce lieu isolé du monde, des relations particulières se tissent entre ces trois personnages et la chienne Thérèse, des relations crues et malsaines qui n’augurent rien de bon.
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Début du livre « Déjà flasque et floue d’être si ancienne, humide et spongieuse, la dépouille de ce qui avait dû être un mulot commençait à se décomposer sur la plaque de marbre. Malgré l’huile d’œillette répandue à dessein tout autour de l’animal, l’odeur de cadavre prédominait, rendue plus insupportable encore à cause du mélange. »
Extrait « Peu après, lorsqu’il revient à une géométrie plus euclidienne, il se souvient des feux et de ce qu’il doit encore au souvenir de la morte. Il se saisit alors d’une baguette de bois sec et entortille son mouchoir à l’une des extrémités. Un peu de pétrole pour humecter cette momie tardive, une courte flamme de briquet pour la transformer en torche : Loisinger se dresse sur la pierre. Il remplit sa bouche du même liquide, présente la torche haut devant lui et, plein d’orgueil, il crache à la face du monde. Jaillissent de grandes flammes qui lèchent la nuit de leu brûlure. D’effrayantes giclées de bave pourpre, des éjaculations solaires, purs soupirs nés d’un baiser fait du néant, qui disparaissent brusquement. »
Extrait « Et cet enfant que je porte en mon ventre, un appendice à mes organes, une tumeur, un vulgaire furoncle gorgé de pus. Je ne l’ai pas voulu, il ne vient pas de moi. Et pourtant je le sens qui gargouille au fond de mes entrailles, qui prétend se mouvoir… Je n’en veux pas, je ne veux pas de lui. Arraché à l’être, extrait du plus intime sans mon consentement. Je l’aime cependant, et je le répudie. »
Extrait « Le monstre, pensait Loisinger, c’était avant tout un prodige, quelque chose qui dérangeait à cause de sa différence, une anomalie dans l’ordre du quotidien déformant à ce point les habitudes qu’elle faisait douter de leur légitimité, remettait en question les fondements de la réalité. »
Extrait « La vérité, la vision non déformée des choses passait par un regard de voyeur… »
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