📙 [Chronique] La grande course de Flanagan
De Tom McNab, aux éditions J'ai Lu, 1982
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[Coup de cœur] J’ai vécu la lecture de ce livre comme si j’avais assisté à une grande compétition sportive, un match de mondial, une rencontre de champions. Tom McNab nous offre donc des émotions, des joies et des déceptions, des réussites et des défaillances, tout ce que l’on peut ressentir quand on assiste sur les gradins, avec ses amis, à un rendez-vous sportif dont personne ne connait l’issue. Pourtant, il y a du folklore, des personnages étonnants, des situations cocasses et incroyables, mais l’esprit de compétition est présent du début à la fin. Un véritable roman addictif qui s’emballe dans une fin haletante comme l’arrivée d’une course.
C’est en 1933, que 2000 coureurs venus des 4 coins du monde vont participer à la plus grande course de fond. La Trans-America va rejoindre Los Angeles à New York sur plus de 5000 kilomètres. Cette aventure sportive n’a jamais été tentée et les organisateurs sont incapables de prévoir comment les organismes vont réagir. Parmi les concurrents, certains arrivent avec leurs histoires personnelles, comme des aiguillons qui les poussent à aller au bout des pires souffrances dans les contrées les plus inhospitalières des Etats-Unis. Pour Charles C. Flanagan, le patron de la Trans-America, c’est aussi un défi d’organisation, dont le parcours sera semé de multiples embuches.
Je vais terminer par une phrase tirée de la préface de Cécile Coulon « Je suppose que d’une certaine façon, ce roman représente le grand rêve américain, il est certain que beaucoup d’entre vous, hommes et femmes, ont connu des moments difficiles. Mais à présent, de quelques heures de lecture, vous pouvez tout changer, grâce à la grande course de Flanagan. » Il me reste de ce roman, le grand talent de McNab à communiquer sa passion de ce sport, mais surtout une belle histoire d’amitiés sur fond de crise économique, d’émancipation sociale et féminine.
Début du livre « Hugh McPhail lissa tomber son pantalon, le fourra dans son sac à dos et se remit à courir.
Tandis que ses pieds prenaient leur rythme, il regarda devant lui le train qui s’éloignait en cliquetant suivi d’un panache ondoyant de fumée noire, le vieux « Superchief » qui l’avait transporté à travers la moitié du continent américain. »
Extrait « Avec ses tentes d’infirmerie regorgeant d’éclopés, Flanaganville ressemble beaucoup plus à un poste de secours de Gettysburg qu’à l’arrivée d’une course à pied. Il reste à voir si la Trans-America de M. Flanagan est une authentique compétition d’athlétisme ou simplement une de ces tristes et démentes petites excentricités sportives caractéristiques de notre temps. En attendant, le seul à en tirer profit est M. Flanagan, que l’abandon de deux cents et quelques concurrents a enrichi de quarante mille dollars. »
Extrait « - Je suppose que les jeux de McPhee sont un rappel du temps passé, dit Doc. « Les gens de la campagne ne se sont jamais souciés de la distinction entre amateurs et professionnels – tout ce qu’ils voulaient, c’était passer un bon moment. Ces mineurs écossais de McPhee se fichent totalement des Jeux olympiques – ils n’ont probablement jamais entendu parler du baron de Coubertin. »
Extrait « Il était en train de mourir, car il savait qu’il lui restait encore des kilomètres à parcourir. Des kilomètres que ses jambes seraient incapables de franchir. Il était vivant, car il bougeait. Il était mort, car l’air lui-même semblait un poison qui lui détruisait la gorge et les poumons. Il était vivant, car son sang circulait encore et irriguait ses jambes qui continuaient à le porter en avant. Il était mort. Vivant, mort, vivant, mort, vivant, mort… »
Extrait « Blake, Kovak, O’Carrol et près d’un millier d’autres, dont aucun n’avait la moindre chance de remporter un prix à New York : pourquoi continuaient-ils à courir ? Doc s’aperçût avec surprise que la question ne lui était jamais venue à l’esprit. Ils couraient parce que c’était un moment qu’aucun propriétaire, aucun politicien ne pourrait jamais leur enlever. Ils avaient fait la queue pour les allocations de chômage et vécu d’aumônes ou de salaires amputés pendant que des politiciens replets poursuivaient leur carrousel sous leurs yeux impuissants. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour se rendre compte que d’autres allaient gagner la Trans-America, mais il ne leur avait pas fallu plus de temps pour prendre leur décision personnelle de continuer. Ils étaient venus traverser l’Amérique au pas de course, et rien au monde ne les en empêcherait. Inutile donc de demander pourquoi ces hommes continuaient à courir. »
Extrait « Tofler découvrit ses dents. « Flanagan, avez-vous une idée de la place qu’occupe votre régiment dépenaillé dans le monde du sport ? Je vais vous le dire. C’est du même niveau que Shipwreck Kelly accroupi sur son poteau au-dessus du Wild West Bar dans le Bronx. Du même monde que les danseurs de marathon accrochés les uns aux autres dans de minables dancings crasseux et enfumés, ou que Jimmy Dooley cramponné cinq jours d’affilée au guidon de sa bicyclette. Voilà votre petit monde. »
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