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📙 [Chronique] La Horde du Contrevent

De Alain Damasio, aux éditions Folio, 2004


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Dès les premières pages, Alain Damasio nous prend dans une bourrasque au propre et au figuré. Des vents violents et des mots inconnus prennent le lecteur à froid, vers des destinations improbables. On comprend vite que cet univers, ses peuples et ses croyances n’ont rien de commun à ce que l’on a l’habitude de lire. La Horde du Contrevent composée d’hommes et de femmes, entraînés depuis leur plus jeune âge, vont participer à une quête : découvrir d’où viennent les vents. Une sorte de voyage initiatique qui poussent aux limites des tensions physiques et psychologiques des personnages. Alain Damasio, brosse un monde complet et des personnages complexes, lors d’un récit parfois hypnotique. La Horde du Contrevent se révèle aussi comme une expérience pour le lecteur.

 

Ils sont 23 à partir vers le bout du monde, à partir sur les pas des hordes précédentes pour aller plus loin à la recherche de l’origine du vent, de ses neufs formes et de l’Extrême-Amont. Ils doivent suivre un code strict reposant sur les valeurs inscrites depuis des centaines d’années. Chaque bloc est composé d’un traceur, le leader, celui qui fait la trace et d’un aristocrate. Puis suivent les hommes et les femmes avec leurs fonctions, scribe, troubadour, combattant, chasseur, aéromaître,… Pourtant cette quête, qui va durer des années, va aussi leur poser des questionnements sur leur propre existence. Qui seront-ils au bout du monde ?

 

Au commencement était le vent, voici comment aurait pu commencer ce livre, car c’est un des acteurs principaux. Habitant un pays de vent, parfois violent, je sais ce que de nombreux jours ventés peuvent fatiguer certaines personnes psychologiquement. En proposant un univers complètement différent et unique, j’ai retrouvé des airs de Jack Vance, sans le second degré, mais avec de la poésie. Il faut que je vous avoue que j’avais pressenti un peu la fin.

 

❓Est-ce pour vous un roman culte de la SF ?





Début du livre « ) A la cinquième salve, l’onde de choc fractura le fémur d’enceinte et le vent sabla cru le village à travers les jointures béantes du granit. Sous mon casque, le son atroce du roc poncé, mes dents vibrent – je plie contre Pietro, des aiguilles de quartz crissent sur mon son masque de contre. »

 

Extrait « Le vent s’était réveillé sous sa première forme – une zéfirine -, la plus propice et la plus douce des gifles de prime aurore et nous n’avions pas cherché à trainer nos estafilades au milieu du port par un temps pareil. Mes cicatrices tiraient à chaque mouvement de hanches, mais signais de la plante du pied, heureux comme un prince nomade foulant un pays de promesses, respirant chaque bouffée d’air avec une frissonnante ampleur, pleinement, puisque j’en avais encore la chance, la prolongée – et poignante. »

 

Extrait « - Pourquoi le vent souffle ? Qu’y a-t-il en Extrême-Amont ? Sur ce thème, ma foi, je ne voyais plus ce que Caracole pouvait encore inventer. Il nous en avait raconté des centaines, on les connaissait toutes, thèmes, intrigues et variantes, crédibles ou loufoques, poignantes ou pas. Des histoires d’éléphants en fuite, haut comme pas imaginable, battant l’air de leurs oreilles, d’outres géantes en peau de ciel percées par des archers, des histoires de hordes de péteurs imbus d’eux-mêmes qui avançaient devant nous et nous lâchaient les gaz, des oiseaux par flopées, poursuivant à tire-d’aile le soleil et qui généraient les souffles… Des histoires de dieux agitant un éventail, de dieux bâillant ou sifflant un air, secouant leurs draps, mettant des gifles à leurs enfants… »

 

Extrait « Tu trouves des racleurs qui préfèrent habiter dans une nacelle perchée que dans le lit du fleuve. En altitude, ils subissent moins le vent.

-          Et ils voient un peu plus de soleil ! Comment font-ils, ceux qui sassent à l’ombre des tours toute la journée ? s’indigne Coriolis.

J’eus envie de répondre sur le fond :

-          Ils regardent les palais perchés là-haut et ils rêvent d’un vélivélo, voilà comment ils font ! Un seul racleur qui réussit suffit à faire croire aux autres qu’ils ont tous leur chance. L’exploitation inepte qu’ils subissent tient parce qu’ils envient ceux qui les exploitent. Les voir flotter là-haut ne les révolte pas : ça les fait rêver ! Et le pire est qu’on leur fait croire que seuls l’effort et le mérite les feront dépasser cinquante mètres d’altitude ! Alors ils filtrent, ils tamisent, et ils raclent le lit du fleuve jusqu’à atteindre ce sentiment de mériter… Mais quand ils l’atteignent, ils comprennent que personne, nulle part, ne peut juger de leur effort, qu’aucun acheteur ne reconnaît la valeur de ce qu’ils font. »

 

Extrait « Nous avions bouclé les casques et nous ne voyions rien dans le blizzard de neige soulevé en continu par l’éruption, pourtant nous avancions, nous avancions le long de ce parapet flottant d’air grénelé, en écharpe sur le bord du cratère, nous avancions laminés, au grésil, cryogénisés aux tibias, dans la crucifixion des clous de glace cardés par le froid mais nous ne sentions plus rien, la souffrance nous aidait, nous avions trop de visages encore chauds qui souriaient et bien trop d’errance à venger si bien que cette éruption-là, loyale dans ses écoulements et fiable de consistance, nous savions au fond de nous que ce serait la dernière et qu’il fallait, cette harpie, qu’elle soit plus et d’abord autre chose qu’une manière de crivetz furventé pour nous dépecer vivants. »

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