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📙 [Chronique] La maison des feuilles

DE Mark Z. Danielewski, aux éditions Monsieur Toussaint Louverture, 2003


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Cela va être compliqué de faire la chronique de la Maison des Feuilles, en premier lieu car c’est un livre complexe dans le fond et la forme, mais surtout parce que je ne suis pas sûr d’avoir tout saisi. La Maison des Feuilles est un texte vertigineux quasiment hypnotique. Il est écrit à trois voix. Tout d’abord, il est question d’un film le « Navidson Record » dont les images montrent la vie de la famille Navidson dans leur nouvelle Maison. Ensuite, c’est Zampanò qui a fait des recherches et analyses sur le film. Enfin, le troisième récit est celui de Johnny Errand, qui rédige une sorte de journal intime. Là où le livre se transforme en abîme, c’est que les trois textes sont en interaction permanente.


Cependant le texte fait aussi écho à cette Maison particulière dont les murs semblent s’agrandir, et dont les couloirs deviennent des labyrinthes sombres et froids. Une histoire terrifiante dont Lovecraft aurait certifié la puissance narrative de Danielewski. Celui-ci rajoute encore une couche de complexité dans la forme du texte (écrit en miroir, à l’envers, en triangle,…) avec des notes et des annexes qui renvoient en avant, en arrière, c’est-à-dire un autre labyrinthe. La lecture devient parfois épuisante, seul le désir d’en découdre avec les mots, permet de tenir.


Johnny Errand est employé dans un atelier de tatouage. Un soir, il reçoit un coup de fil de son ami Lude lui proposant de le rejoindre pour visiter l'appartement d'un vieil aveugle nommé Zampanò, récemment décédé. Dans l'appartement, les deux hommes découvrent un manuscrit rédigé par Zampanò lui-même, l'étude académique d'un film documentaire intitulé le Navidson Record.


Navidson a décidé de filmer la vie de sa famille dans leur nouvelle maison. Un jour en rentrant chez eux, la famille découvre une nouvelle pièce dans la maison. En étudiant cet étrange phénomène, Will Navidson s’aperçoit que les dimensions internes de la maison excèdent celles externes, et la maison semble s’agrandir de jour en jour. Jusqu’au moment où un couloir sombre et froid apparaît dans le mur de leur salon. Sa longueur suggère que le couloir devrait s'étendre dans leur jardin, mais tel n'est pas le cas. A partir de maintenant, mystères et terreurs s’amplifient.


C’est donc une véritable expérience littéraire que nous propose Danielewski. Un labyrinthe stylistique dans lequel il développe aussi des thèmes comme l’architecture, l’enfance, les mythes antiques, la folie, l’amour, la mort. Tous ces thèmes se font écho au sens propre et figuré. Cette maison aura-t-elle raison de votre santé mentale…


Avez-vous eu des expériences littéraires très spéciales ?


Début du livre « Je fais encore des cauchemars. En fait, j’en fais si souvent que je devrais y être habitué maintenant. Mais non. Personne ne s’habitue vraiment aux cauchemars. »


Extrait « [C]eux qui explorent le labyrinthe, et dont le champ de vision est restreint et fragmenté, sont désorientés, tandis que ceux qui contemplent le labyrinthe, que ce soit en le surplombant ou l’étudiant sur plan, sont émerveillés par sa complexité. Ce qu’on voit dépend de l’endroit où l’on se trouve, ce qui fait que, dans le même temps, les labyrinthes sont simples (il n’existe qu’une seule structure physique) et doubles : ils incorporent simultanément l’ordre et désordre, la clarté et la confusion, l’unité et la multiplicité, l’art et le chaos. Ils peuvent être perçus comme un chemin (un passage linéaire mais détourné vers un but) ou comme un motif (un dessin absolument symétrique)… Notre perception des labyrinthes est ainsi intrinsèquement instable : changer de perspective et le labyrinthe semblera changer. 134 »

Extrait « Depuis que j’ai quitté le labyrinthe, après avoir dû supporter toutes ces circonvolutions, ces suggestions incomplètes, ces orientations exaspérantes et la nature peu probante de tout ce putain de chapitre, j’éprouve un besoin impérieux d’espace, de lumière et d’une sorte de clarté. N’importe quelle sorte de clarté. J’ignore tout simplement comment le trouver, même si le fait de fixer ces horribles cachets ne fait qu’amplifier ma résolution de faire quelque chose, n’importe quoi.

Si bizarre que cela puisse paraître – surtout vu les quantités de drogues que j’ai eu la chance de consommer – ces cachets, tels des signes de ponctuation en 3D, me font de plus en plus penser à une sorte de braille secret qui épellerait la fin de ma vie. »


Extrait « Au printemps dernier, Pitch, lors des Conférences de Pelias, déclara : « Bien sûr qu’il y a une bête ! Et je peux vous garantir que le fait qu’on y croie ou pas laisse complètement indifférente cette chose ! »293 Dans American Photo (mai 1996, p. 154), Kadina Ashbeckie écr[ ]t : « La mort de la lumière donne naissance à une créature-obscurité que peu de gens peuvent accepter comme une pure[]absence. Ainsi, malgré des object[ ]ons rationnelles, l’échec de la technologie est dépassé par l’agression du mythe. »294

Extrait « Finalement, les paroles, les airs et les murmures tremblants de Navidson s’estompent en un bruit rauque et pénible. Il sait que sa voix ne réchauffera jamais ce monde. Auncune voix ne le pourra sans doute jamais. Les souvenirs cessent d’affleurer. Le chagrin menace de n’avoir plus aucune importance.

Navidson est en train d’oublier.

Navidson est en train de mourir. »


Extrait « Nous devons décrire et expliquer un immeuble dont l’étage supérieur a été érigé au dix-neuvième siècle ; le rez-de-chaussée date du seizième siècle, et un examen attentif de la maçonnerie révèle qu’il a été reconstruit à partir d’une tour d’habitation du onzième siècle. Dans le cellier nous découvrons des murs de fondation romains, et sous le cellier une cave remplie, dans le sol de laquelle on trouve des outils en pierre et des restes de faune glaciaire dans les couches inférieures. Ce pourrait être une sorte d’image de notre structure mentale.

C.G. Jung

« Ame et Terre » »


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