đ [Chronique] La Maison noire
De Yûsuke Kishi, aux éditions Belfond, 2024
Roman policier
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[Coup de cĆur] Personne ne mâaurait poussĂ© un jour Ă lire un roman dans lequel on suit un agent dâassurance Ă©pluchant ses dossiers de demande de remboursement Ă la recherche dâun Ă©ventuel escroc. Pourtant, câest ce que mâont proposĂ© @babelio_ et les @editionsbelfond dans le cadre de lâopĂ©ration Masse Critique, et je les en remercie. Car loin des clichĂ©s que lâon peut avoir du Japon, YĂ»sukee Kishi entraine le lecteur vers des territoires plus sordides et plus oppressants. Ceux dâune population qui survit plutĂŽt que vivre, des minuscules appartements, des journĂ©es de travail sans fin. Câest enfin et surtout la dĂ©couverte de cet auteur, maĂźtre du suspense.
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YĂ»suke Kishi sait happer le lecteur avec des dossiers dâassurance qui se transforment petit Ă petit en une profonde descente dans lâĂąme humaine. Il en ressort souvent un sentiment de malaise et dâhorreur quand on comprend le dĂ©sarroi et lâimpuissance face un mal qui semble prĂ©sent et insaisissable. Un rĂ©cit dĂ©rangeant et angoissant, dâaccord, mais qui nous entraine dans le dĂ©sir malsain de savoir oĂč lâhorreur va nous conduire. Et dans cet art, Kishi est un maĂźtre dans la narration.
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Shinji Wakatsuku est un jeune cadre dans une sociĂ©tĂ© dâassurance. TrĂšs pris par son travail, il lâaccomplit avec beaucoup de sĂ©rieux et de pugnacitĂ© pour dĂ©celer les incohĂ©rences dans les dossiers de demande dâindemnisation. Pourtant quand il doit traiter le versement dâune assurance vie Ă la famille Komoda dĂ» au dĂ©cĂšs dâun petit garçon, son intuition le pousse Ă enquĂȘter sur les circonstances de cette mort. Il ne sait pas encore que ses investigations vont le conduire vers la Maison noire, lâenfer.
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MĂȘme si au dĂ©but, il nâest pas Ă©vident de sâapproprier les noms et la culture nippone, on apprend beaucoup sur les rĂšgles qui rĂ©gissent les relations humaines au Japon, des rĂšgles parfois difficiles Ă apprĂ©hender pour un occidental. Petit Ă petit, cet environnement devient familier et texte prend du volume jusquâĂ vous tenir en haleine et vous aspirer. Une lecture qui laisse quelques sueurs froides.
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âConnaissez-vous son roman La leçon du mal ?
DĂ©but du livre « Shinji Wakatsuki reposa son stylo et sâĂ©tira discrĂštement.
Les rayons du soleil filtraient par les lames des volets Ă moitiĂ© baissĂ©s, crĂ©ant de petites taches de lumiĂšre ça et lĂ dans le bureau. Lâune dâentre elles clignotait au-dessus du plumier oĂč reposaient son sceau de signature, sa loupe pour vĂ©rifier ceux des documents et des trombones. »
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Extrait « Le quartier Ă©tait plutĂŽt huppĂ©, avec ses demeures anciennes et ses voitures luxueuses dont la carrosserie rutilante attirait le regard Ă travers les palissades en bambou. Photocopie dâun plan en main, il gravit un virage en cĂŽte et lĂ , en face dâune demeure entourĂ©e de hautes haies vives, il dĂ©couvrit une maison noire, Ă moitiĂ© pourrie.
Son cĆur cogna dans sa poitrine.
CâĂ©tait bien lâadresse indiquĂ©e. Le bĂątiment, en Ă©tat de dĂ©labrement avancĂ©, trĂŽnait au beau milieu dâun terrain plutĂŽt Ă©tendu. A travers le grillage noir, une nuĂ©e de chiots jappaient dans sa direction. »
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Extrait « Soudain, il entendit un son Ă lâextĂ©rieur, qui se rapprochait. Un bruit de pas, mais qui nâĂ©tait pas naturel, ils Ă©taient trop rapides⊠ou trop nombreux.
LâaraignĂ©e.
Ses huit pattes martelaient le sol. LâaraignĂ©e Ă©tait revenue.
En regardant autour de lui, Wakatsuki sâaperçut quâil Ă©tait entourĂ© de fils collants. Des cadavres humains y Ă©taient accrochĂ©s.
Ah oui, je suis pris dans la toile, se dit-il. »
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Extrait « Il laissa sa phrase en suspens et fut pris dâune sourde quinte de toux. Wakatsuki le contourna et vit Shigenori Komoda, assis dans son lit mĂ©dicalisĂ©.
Ses yeux Ă©taient troubles, comme si une membrane les recouvrait. Impossible de savoir sâil avait perçu lâarrivĂ©e des agents dâassurances. Sa peau avait perdu toute coloration ainsi que le lustre quâon lui voyait lorsquâil venait Ă lâagence. On aurait dit une forme humanoĂŻde en papier, dĂ©nuĂ©e de la moindre Ă©tincelle de vie.
Le regard de Wakatsuki fut aspirĂ© par la vision des bras bandĂ©s de lâhomme.
Tous deux coupés net, à mi-chemin entre le poignet et le coude. »
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