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📙 [Chronique] La triste histoire des frères Grossbart

De Jesse Bullington, aux éditions Eclipse, 2011

Fantasy


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« On n’est pas des voleurs, on n’est pas des assassins ; on est juste de gens de bien à qui on a fait du mal ». C’est une excellente entrée en matière pour ce conte moyenâgeux qui en retourne les rouages et fait la part belle à la cruauté sans fausse pudeur de cette époque. Jesse Bullington y introduit la fantasy et l’horreur avec des monstres connus, mais plus sales hors des clichés du fantastique commun. Au contraire des contes, ne cherchons pas de morale, les paroles sont grasses, les rires sont cruels et les actes irrévérencieux et souvent irréfléchis. Finalement, ce roman est peut-être un reflet sans concession de notre société actuelle.


Hegel et Manfried sont jumeaux, ils n’ont pas eu une enfance facile dans l’Europe du XIVe siècle. Entre famines, épidémies et pillards, nombreux sont ceux qui décèdent plutôt jeunes. Leur force réside dans leur volonté de traverser le continent et de s’embarquer pour l’Egypte et piller les tombeaux des rois. Pieux mais cruels, ils vont sur les chemins du sud laissant derrière eux une trainée sanglante issue de corps d’hommes, de femmes et de monstres.


La piste sanglante que laissent les frères Grossbart à travers l’Europe permet à l’auteur de faire une analyse des mœurs et des superstitions de cette époque. Une période tourmentée au cours de laquelle les peuples créent des figures démoniaques et y croient. Jesse Bullington ne fait que rendre vivants ces monstres, sorcières, manticores, démons,… Pourtant, aucun d’eux ne pourra rivaliser, en horreur, avec les jumeaux meurtriers.


Connaissez-vous des romans que l’on ne peut pas mettre entre toutes les mains ?


Début du livre « Dire des frères Grossbart qu’ils étaient des crapules cruelles et sans cœur serait une insulte au plus ignoble des bandits de grand chemin ; et dire qu’ils étaient des pourceaux meurtriers reviendrait à conspuer le plus répugnant des verrats. Ils étaient des Grossbart jusqu’au bout des ongles, en vérité, et dans certaines contrées ce patronyme a encore quelque poids. »


Extrait « Ses seins défraichis ballotaient mollement ; elle passa la langue ses rares chicots et coupa leur lien de salive. Hegel se ratatina alors même qu’il venait dans ses froides et humides profondeurs et hurla de terreur à l’idée d’avoir été ensorcelé. Il de dégagea de l’étreinte et tomba tête la première sur la table renversée. Il défaillit, vomit de concert, et le rire cruel de la vieillarde le poursuivit jusque dans les cauchemars qui pourraient jamais égaler l’horreur de son dépucelage. »

Extrait « Ils finirent par atteindre une immense chapelle, où ils découvrirent la cause de ces émanations. Plus de cinquante corps étaient empilés sur des bancs. La copieuse couche de moisissure qui les recouvrait rendait leurs contours et leurs traits indistincts. Mères et enfants s’étaient mêlés en pourrissant pour donner pour donner naissance à des formes hideuses ; les visages laissaient suinter des fluides gris par tous leurs orifices. Les moines étaient couchés sur les jouvencelles dans des positions lascives, et la masse putréfiée entière paraissait accomplir quelque horrible acte de dévotion. Malgré leurs masques improvisés, les frères sentirent le vomi remonter dans leurs œsophages et ils refluèrent vers le couloir en passant sous une grande croix souillée d’excréments et de pus. Ils fermèrent les portes derrière eux sans parvenir à se débarrasser de la puanteur qui imprégnait leurs narines. »


Extrait « Martyn se mit à bafouiller, se calma, puis un nouveau torrent de mots jaillit de sa bouche.

- Je n’ai pas quitté la ville depuis notre séparation, chers Grossbart. Des saisons ont passé et j’ai enduré la captivité et la torture, comme le dernier cathare à dépérir et succomber ! C’est en effet ce qu’ils ont fait aux derniers des Albigeois, le saviez-vous ? Pas de mort rapide pour eux ! Ils ont envoyé chercher un inquisiteur afin de me livrer au Saint Office, je les ai entendus ! Mais je me suis évadé à temps, grâce à Sa volonté ! Et je vous rejoints malgré les poursuites ! Sa volonté !

- De quoi qui cause ? s’enquit Hegel auprès de son frère.

- ‘pparemment, il trempe notre nom dans une bassine de merdaille fraiche, répondit celui-ci avant de se lever brusquement. Par l’enfer, c’est quoi ton problème ? »

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