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📙 [Chronique] Le gang de la clef à molette

De Edward Abbey aux éditions Gallmeister, 1975


Roman


🔥 🔥 🔥🔥


Et voici la bien marrante et pourtant triste histoire de quatre pionniers de « l’éco terrorisme » dans les années 70. On en rit parce que leur traversée de quelques Etats des USA est semée de passages rocambolesques. Mais la rage profonde qui anime les protagonistes est créée par des entreprises, des individus qui n’ont cure de défigurer la nature pour quelques dollars de plus. Ce roman est une ode à tous les paysages sauvages, des déserts encore préservés des tortures infligées par les humains. Un livre aigre doux qu’il faut savourer.


Que peut-il y avoir de commun entre George, vétéran du Vietnam, un vieux et riche chirurgien, sa belle et jeune secrétaire déjantée, et un mormon polygame. Ces quatre américains se rencontrent pour une randonnée et au coin du feu, ils évoquent leur dégoût commun de la destruction systématique des espaces naturels sauvages de l’Ouest au profit des industriels. Ils élaborent, enfiévrés par la bière et le cannabis, une stratégie d’attaque des grands ouvrages publics tels que ponts, barrages,… qui défigurent les paysages.


Ce road trip criminel à travers l’Ouest américain démontre que dès les années 70, dans la contre-culture littéraire américaine, une conscience écologique se fait entendre. Ce qu’il y a 50 ans pouvait passer pour une pensée à l’encontre des idéaux capitalistes et individualistes, est désormais une attitude normale. Celle qui doit nous permettre de sauvegarder notre patrimoine naturel trop largement balafré par un productivisme pour le coup « inconscient ». J’attends le retour du gang.



Connaissez-vous un bon roman sur la lutte écologique ?




Début du livre « Lorsqu’on vient d’achever la construction d’un nouveau pont reliant deux Etats souverains des Etats-Unis, il y a discours. Il y a drapeaux, il y a fanfares, il y a rhétorique techno-industrielle amplifiée électroniquement. »


Extrait « Il avait les mains sur elle. Elle s’ébroua doucement dans ses bras, ensommeillée, en attente. Ils firent l’amour pendant un assez long moment.

- Avant, je faisais ça toute la nuit, dit Doc. Maintenant, il me faut toute la nuit pour le faire.

- Tu es un lent à jouir, dit-elle, mais tu y arrives.

Ils se turent quelques temps.

- Et cette descente du fleuve ? dit-il.

- Ça fait des mois que tu me la promets.

- Cette fois-ci, je suis sérieux.

- On part quand ?

- Très bientôt.

- Pourquoi t’y penses maintenant ?

- J’entends les eaux vives qui m’appellent.

- C’est les toilettes, dit-elle. La chasse d’eau s’est encore boquée. »

Extrait « J’en ai marre des gens qui ne font de mal à personne. J’en ai marre des gens mous et faibles qui ne savent ou ne peuvent rien faire. A part se reproduire.

- Tu m’as l’air fatigué, Doc.

Il haussa les épaules, prit un air mauvais et lâcha son imitation de George W. Hayduke :

- J’aime pas les gens, grogna-t-il.

Bonnie sourit au-dessus de son verre à moitié vide.

- Faut qu’on décolle. Tu vas être en retard.

- Décollons. (Il attrapa son verre et le finit pour elle. Ils se levèrent.) Ah, une dernière chose.

- Quoi ?

Doc la tira contre lui.

- Je t’aime quand même.

- Ça, ça me fait vraiment plaisir, dit-elle. J’adore les déclarations d’amour ambigües.

- Je suis ambidextre. »


Extrait « - Regarde-moi toutes ces bagnoles, dit-il. Regarde-moi tous ces types qui roulent sur leurs roues de caoutchouc dans leurs engins entropiques de deux tonnes, à polluer l’air qu’on respire, à violer la terre pour offrir un tour gratis à leurs gros culs d’Américains avachis. Six pour cent de la population mondiale engloutissent quarante pour cent du pétrole de la planète. Bande de porcs ! beugla-t-il en brandissant son poing à l’adresse des voitures qu’ils croisaient.

- Et nous ? dit-elle

- C’est bien de nous que je parle. »


Extrait « Oh cette rivière. Cette Green River de vert et d’or qui coulait des neiges de la cordillière de Wind River à travers Flaming Gorge et Echo Park, Split Mountain et les Portes de Lodore, descendait des hauteurs des O-Wi-Yu-Kuts, de la Yampa, de Bitter Creek et Sweetwater, jusqu’au canyon nommé Désolation via le plateau de Tavaputs, d’où elle émergeait par le gouffre des Book Cliffs – que John Wesley Powel tenait pour « une des plus merveilleuses falaises du monde » - pour débouler à travers le Green River Desert dans un autre univers de canyons, avant de s’offrir à Layrinth puis Stillwater et de rejoindre enfin la confluence avec le Colorado, sous l’à-pic du Dédale, puis de chuter dans les profondeurs mugissantes de Cataract… »


Extrait « - Je n’ai jamais trop aimé les agriculteurs, continue Smith. (Pied lourd, pied lourd.) Y compris ceux qui font de la pastèque. Avant qu’on invente l’agriculture, on était tous des chasseurs ou éleveurs. On vivait au grand air et chaque homme avait au moins deux mille hectares rien que pour lui. Et puis ils se sont is à inventer l’agriculture et l’espèce humaine a fait un grand bond en arrière. De chasseurs ou éleveurs à agriculteurs, ça a été une sacrée chute. Et le pire était à venir. Pas étonnant que Caïn ait assassiné c’t’espèce de planteur de tomates d’Abel. Le fils de pute eu ce qu’il méritait. »


Extrait « Les nouveaux arrivants sont toujours les bienvenus dans l’Etat de la Ruche (l’Utah), mais il leur est conseillé de retarder leur montre d’un demi-siècle en entrant. La conversation se limite pour l’essentiel à des sujets pratiques. »

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