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📙 [Chronique] Le soleil des Scorta

De Laurent Gaudé, aux éditions J'ai Lu, 2004


Roman


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[Coup de cœur] Bon, je pense qu’énormément de choses ont été écrites sur ce roman et très certainement plus intéressantes que ma chronique. Pourtant, il y a des livres qui dépassent largement le coup de cœur, car ils vous laissent de profonds sentiments, ceux qui sont attachés à votre vie, votre terre, ceux que vous chérissez. Car finalement, rien d’exceptionnel dans ce que raconte Laurent Gaudé, sauf qu’il le rattache à nos propres existences. Des contes puissants et émouvants qui bouleversent.


Luciano Mascalzone est un bandit de grand chemin. Il vient de purger une peine de 15 ans de prison et revient à Monepuccio, un village du sud de l’Italie pour retrouver Filomena Biscotti, celle dont il était amoureux avant son emprisonnement. Il traverse le village, sous le soleil brulant, jusqu’à la maison de Filomena, la porte s’ouvre et la jeune femme s’offre à lui sans résistance. Les habitants décident de le tuer à cause de ce qu’ils pensent être un viol. Neuf mois plus tard, un enfant va naitre et sa mère s’appelle Immacolata Biscotti.


L’écriture et le style de Laurent Gaudé sont déjà un grand plaisir de lecture, il complète ce sentiment avec des histoires simples mais profondes, dont les mots vous remuent les tripes. Dans ce roman, les derniers chapitres sont comme des écrits de Gruissan, village de pêcheurs, on y retrouve la chaleur, les vieilles légendes de famille, les querelles ancestrales, la fête et les processions entre le religieux et le païen, et enfin le fameux cimetière qui rapproche, pour l’éternité amis, famille, amants et maîtresses, fils cachés et ennemis.


❓Avez-vous un livre coup de cœur de Laurent Gaudé ?




Début du livre « La chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s’était évanoui. La pierre gémissait de chaleur. Le mois d’août pesait sur le massif du Gargano avec l’assurance d’un seigneur. Il était impossible de croire qu’en ces terres, il avait pu pleuvoir. »




Extrait « En quelques jours, l’église fut désertée. Plus personne n’assistait à la messe. On ne saluait plus don Carlo dans la rue. On l’avait affublé d’un nouveau surnom qui signait son arrêt de mort : « le Milanais ». Montepuccio plongea dans un paganisme ancestral. On pratiqua toutes sortes de cérémonies à l’ombre de l’église. Dans les collines, on dansait la tarentelle. Les pêcheurs vénéraient des idoles à tête de poisson, mélange de saints patronaux et d’esprits des eaux. Les vieilles, au fond des maisons, en hiver, faisaient parler les morts. A plusieurs reprises, on pratiqua des désenvoûtements sur les simples d’esprit qu’on pensait possédés par le malin. Des animaux morts étaient retrouvés devant les portes de certaines maisons. La révolte grondait.»

Extrait « Les femmes, à la vue des plats, jurèrent qu’elles n’y toucheraient pas. Que c’était trop. Mais il fallait faire honneur à Raffaele et Guiseppina. Et pas seulement à eux. A la vie également qui leur offrait ce banquet qu’ils n’oublieraient jamais. On mange dans le Sud avec une sorte de frénésie et d’avidité goinfre. Tant qu’on peut. Comme si le pire était à venir. Comme si c’était la dernière fois qu’on mangeait. Il faut manger tant que la nourriture est là. C’est une sorte d’instinct panique. Et tant pis si on s’en rend malade. Il faut manger avec joie et exagération. »


Extrait « C’était de l’or, disait l’oncle. Ceux qui disent que nous sommes pauvres n’ont jamais mangé un bout de pain baigné d’huile de chez nous. C’est comme croquer dans les collines d’ici. Ça sent la pierre et le soleil. Elle scintille. Elle est belle, épaisse, onctueuse. L’huile d’olive, c’est le sang de notre terre. Et ceux qui nus traitent de culs-terreux n’ont qu’à regarder le sang qui coule en nous. Il est doux et généreux. Parce que c’est ce que nous sommes : des culs-terreux au sang pur. De pauvres bougres à la face ravinée par le soleil, aux mains calleuses, mais au regard droit. »


Extrait « Il sortit de chez lui et remonta le corso. Le village avait changé. Il essaya de se souvenir de ce qu’il avait été cinquante ans auparavant. Combien de commerces qu’il avait connus enfant étaient encore là ? Lentement, tout s’était transformé. Les fils avaient repris les affaires des pères. Les enseignes avaient changé. Les terrasses s’étaient agrandies. Elia marchait au milieu des rues habillées pour la fête et c’était bien là la seule chose qui n’avait pas changé. Aujourd’hui comme hier la ferveur du village illuminait les façades. »

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