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📙 [Chronique] Les lamentations du coyote

De Gabino Iglesias, aux éditions Sonatine, 2021

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Bon, il faut le dire d’entrée, ce livre est extrêmement violent, il vous plombe à chaque chapitre. Les chapitres rappellent un panel de drames de l’immigration, de ceux qui s’engagent sur un chemin parsemé de pièges mortels, de ceux qui traversent une frontière, un fusil dans le dos et un fusil visant le cœur. Gabino Iglesias, avec une écriture sans concessions décrit des tranches de vie de personnages qui se croisent ou non à des moments critiques de leur vie. La fin, on la devine forcément, elle est dure, bouleversante, fatalement irréversible. L’auteur de Santa Muerte est forcément un écrivain à lire.


A la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, des enfants, des femmes et des hommes meurent en cherchant à rejoindre une terre d’accueil. Certains meurent avant la « frontera », d’autres en la traversant, d’autres meurent de l’autre côté en ayant cru à la terre promise. Le coyote aide les enfants à passer, en priant la Virgencita de veiller sur eux. Mais ceux qui vénèrent l’homme à la figure orange, celui que l’Amérique s’est choisie, attendent aussi, armés, en priant le même Dieu.


Les lamentations du coyote est plus revendicatif que Santa Muerte. Même si ce roman m’a beaucoup plu, j’aurai eu plaisir à retrouver cette folie à la Tarentino. D’ailleurs, on retrouve Tarentino dans une fameuse citation de l’Ezéchiel que l’on entend dans Pulp Fiction, les fans comprendront. Ce livre dénonce les dérives d’une Amérique qui a mis Trump aux manettes, mais finalement les maux qui rongent les Etats-Unis sont aussi ceux de l’Europe, avec d’autres migrants.

Début du livre « Assis dans la benne du pick-up, Pedrito regarda son père sortir une moitié de carpe de la glacière, la poser sur une bâche en plastique et en découper un morceau avec son grand couteau. »


Extrait « J’entends le travail, l’amour, le sang et la patience de plusieurs générations de femmes qui ont combattu pour avoir voix au chapitre et pour voir reculer la famine et triompher la justice. J’entends le frottement produit par les mains calleuses d’hommes qui ont trimé pour nourrir leur famille et se sont efforcés d’inculquer à leurs enfants les notions de bien et de mal. Toutes et tous, je les entends me dire qu’il faut que je me souvienne, parce que je suis une migrante fille de migrante, et que mon ADN porte le souvenir de la fuite, de la peur et de la haine engendrées par les abus et les claquements de fouet. »


Extrait « Le coyote comprit immédiatement à qui il avait affaire. Il avait déjà vu cette même image un nombre incalculable de fois, que ce soit sur les murs de sa propre maison, sur des cierges ou sur la crosse de son Sig Sauer 1911. La Virgincita. La sainte mère de Dieu. Sa face hâlée contrastait avec la pâleur de son voile. D’ailleurs, sa peau était plus sombre que sur la plupart des tableaux qui la représentaient. Son visage, en revanche, était parfaitement reconnaissable. Simple. Calme. Sublime. Il inspirait la paix et la sérénité. »


Extrait « Cette nuit-là, son chant raisonna plus longtemps que d’habitude. Dans ses mots, elle insuffla tout le manque, tout le chagrin et toute la colère qu’elle ressentait. Ils lui avaient arraché l’amour, elle allait leur envoyer la haine en retour. Une haine jamais vue. Une haine qui détruirait tout sur son passage. Une haine si profonde et viscérale qu’elle pouvait provenir que de la destruction de l’amour le plus puissant, le plus universel et le plus inconditionnel qui soit. Elle allait leur envoyer le genre de haine que seule une mère peut éprouver. »


Extrait « Je vais te dire où aller. Si la Vierge désire que tu t’y rendes, je ne doute pas une seconde que tu en reviendras en un seul morceau. Appuie vertueusement sur cette détente. Et si jamais le doute te gagne, pense aux mots d’Ezéchiel. Chapitre vingt-cinq, verset dix-sept : « Et j’exercerai sur eux de grandes vengeances, les châtiant avec fureur, et ils sauront que je suis l’Eternel quand je leur ferai sentir ma vengeance. » »

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