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📙 [Chronique] Mamie luger

DeBenoît Philippon, aux éditions Le Livre de Poche, 2018


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[COUP DE CŒUR] Voici un roman très original. Pour être honnête, je ne pensais pas passer un si bon moment, et je croyais que c’était un polar « second degré ». Et pourtant, malgré la situation de départ, assez rocambolesque, Benoît Philippon nous entraine rapidement dans des situations dramatiques. Berthe, l’héroïne, devient au fil des pages, une femme forte, un symbole d’émancipation, dont les seuls choix, dans sa longue vie, étaient subir ou être radicale. L’auteur mélange humour, poésie, militantisme et espoir dans ce livre qui fait du mal et du bien à la fois.


Berthe a 102 ans, cela ne l’empêche pas d’être en garde à vue. En effet, elle vient de tirer sur des policiers venus l’interpeler. L’inspecteur Ventura, qu’elle se plait à appeler Lino ou Colombo, va conduire l’interrogatoire. Mais les confessions de cette très vieille femme vont surprendre le flic. Celle que les gens de son village appellent la Veuve Noire va raconter un siècle d’épreuves, de souffrances mais aussi d’un immense bonheur. Comment va réagir Ventura devant cette centenaire à la gouaille aussi dangereuse qu’un luger.


Benoît Philippon joue sur plusieurs tableaux avec beaucoup de talent. A travers le récit de cette mamie incroyable, il dresse un tableau déplorable de caractères masculins qui se succèdent au panthéon de la bêtise. Une bêtise le plus souvent malsaine qui conduit à un jugement expéditif et sans appel. L’auteur, avec une efficacité redoutable, nous dresse le portrait d’une femme qui ne demandait qu’à être respectée et heureuse, et finit par symboliser une lutte contre la domination masculine.


Début du livre « Blam ! Blam !

Berthe recharge. Ses membres tremblent. Beaucoup d’émotions pour une vieille de cent deux ans. Elle pense à sa camomille qui prend la poussière sur l’étagère de sa cuisine et se dit qu’elle s’en ferait bien une tasse. Les sirènes qui résonnent au loin ne sonnent peut-être pas encore le glas, mais reculent inéluctablement la perspective du réconfort d’un bon pisse-mémère. »


Extrait « Luther se disait bien que ces larmes étaient destinées à d’autres douleurs. Il l’a enrobée de ses bras, a penché son visage dans ses boucles brunes et lui a susurré dans sa langue des mots magnifiques qu’elle ne comprenait pas.

Berthe ne connaissait pas cet homme. Elle ne savait rien de lui. Mais elle l’aimait. Elle ne savait pas où elle serait demain. Mais là, maintenant, à cet instant précis elle était à lui. »


Extrait « Bien seule face à la problématique, très viscérale chez elle, de la domination des hommes, elle découvrait dans l’écriture de ces femmes érudites les mots justes qui dénonçaient le joug masculin qu’elle avait choisi, elle, d’éradiquer de façon plus littérale. Berthe n’avait pas les mots, elle n’avait que les cartouches. Par conséquent, les raisonnements de ces auteures l’inspiraient. Au milieu de ces ouvrages féministes, Berthe ne se sentait plus isolée, dans sa petite chaumière au fin fond du Cantal, à se dire qu’on pouvait être femme et respectée. »

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