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📙 [Chronique] Notre part de nuit

De Mariana Enriquez, aux éditions Points, 2019


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Ambiance noire et mystique, presque envoutante dans ce livre. On y retrouve des airs de Lovecraft ou de Carlos Ruiz Zafon par moment, ce qui n’est pas pour me déplaire. Mariana Enriquez transforme certains lieux de l’Argentine en épicentre de l’horreur gothique, on y célèbre des invocations démoniques, on y vénère les ténèbres, les initiés donnent corps et âmes aux dieux noirs de souffrance et y sacrifient leurs êtres les plus chers. Malgré un texte fort et addictif, ce n’est pas un coup de cœur, car parfois ce fut un peu long, mais la fin se mérite, dans une explosion surréaliste et fantastique.

 

Ce roman, à plusieurs points de vue, commence par l’histoire de Juan. Cet homme très grand et blond, traverse l’Argentine avec son jeune fils Gaspar. Malgré son gabarit, il souffre dans son corps et dans sa tête, il semble fuir des ennemis puissants capables de tout. La mère de Gaspar est morte tragiquement, mais dans ces années de dictature, de violences et d’instabilité ce n’est pas inhabituel. Pourtant, Juan qui a un don de médium, sait que les membres d’un mystérieux ordre secret, dont font partie les membres de la famille de son épouse, ne sont pas étrangers à ce drame. En tout cas, il veut sauver son fils.

 

Ce roman est foisonnant de mythes et de récits, de la vieille Angleterre aux tribus guaranis. Mais aussi des voyages à travers l’Argentine jusqu’à des contrées fantastiques et cruelles. Mariana Enriquez sait raconter des histoires qui nous embarquent dans l’horreur mais aussi la poésie. Le rendez-vous est donc pris pour découvrir un autre livre de cette romancière à l’imagination sans limite.

 

❓ Et vous, quelle est votre part de nuit ?

 



San La Muerte (« Saint La Mort » en français) est un saint populaire squelettique vénéré au Paraguay, dans la région nordique de l'Argentine (principalement dans la province de Corrientes, mais aussi à Misiones, Chaco et dans la province de Formosa), et au sud du Brésil (en particulier dans les États du Paraná jusqu'à l'agglomération de Buenos Aires).

 

San La Muerte est dépeint comme une figure de squelette masculin tenant généralement une faux. Bien que l'Église catholique ait attaqué la dévotion à San La Muerte comme une tradition empreinte de paganisme, de nombreux croyants considèrent la vénération de San La Muerte comme faisant partie de leur foi catholique.

 

Bien que les rituels et les pouvoirs attribués à San la Muerte et Santa Muerte soient très similaires, San La Muerte ne doit pas être confondu avec cette dernière qui est vénérée au Mexique et dans certaines parties des États-Unis, et qui est généralement dépeint comme une figure de squelette féminin.





Début du livre « Une telle lumière ce matin-là et le ciel limpide, à peine une tache blanche dans le ciel brûlant, plus semblable à une traînée de fumée qu’à un nuage. Il était déjà tard, il fallait partir, demain il ferait aussi chaud ; et s’il pleuvait, si l’humidité du fleuve accablait Buenos Aires, il serait incapable de quitter la ville. »

 

Extrait « Gaspar se mit debout sur le banc et s’avança vers lui d’une manière qu’on pouvait seulement qualifier de menaçante. Il approcha si près de son visage de Juan que celui-ci vit quatre yeux bleus pleins d’effroi, mais aussi de détermination. »

                                                    

Extrait « Compassion. L’Obscurité me mord à nouveau et je sens l’odeur de sa joie mélangée à celle de mon sang, je vois qu’elle avale mes mains, mes épaules, attaque mon torse. Je me rappelle que tu m’as dit un jour que l’Obscurité n’entend pas, ne parle pas, c’est un dieu sauvage ou trop lointain. Se souviendra-t-on de moi comme de l’homme qui a découvert et sauvé plus d’une fois le médium ? Ecrira-t-on sur moi, prononcera-t-on mon nom avec admiration ? Je ne dois pas songer à ma gloire. Qu’elle demeure secrète s’il le faut. Je ne réclame plus la compassion. Il n’existe pas de mots dans ce monde pour l’entré dans l’Obscurité, pour l’ultime bouchée. »

 



Extrait « Malgré sa faim, il eut du mal à avaler son croissant. Pourvu qu’il meure. Pourvu que papa meure une fois pour toutes, se dit-il, qu’on en finisse et que je vive avec l’oncle Luis ou chez Vicky ou tout seul à la maison. Terminé les pièces fermées, les voix dans la tête, les cauchemars de couloirs et de morts, les familles fantômes, les boîtes de paupières, le sang par terre, et ce père qui disparaissait parfois. Pour aller où ? Qu’il meure. Si seulement il pouvait arrêter de l’aimer, l’oublier. Le croissant passa difficilement. »

                                                    

Extrait « Il prit son visage entre ses mains et lui caressa les cheveux. L’urne était posée par terre, entre eux. Tu possèdes quelque chose, j’espère que ce n’est pas maudit, j’ignore si je peux te donner quelque chose qui ne soit pas souillé, qui ne soit pas obscur, notre part de nuit. Ça me plait, dit Gaspar. Et son père lui répondit bien sûr, maintenant plus rien ne peut te faire de mal. Rien ? Rien. »

 

Extrait « Le chemin était jonché d’os, du plus loin qu’on arrivait à voir. Il y en avait de toutes les parties du corps et de toutes les tailles. S’agissait-il des restes de festins anciens ? Des gens venaient-ils ici pour mourir ? Ou seuls leurs os avaient-ils été transférés pour former ce chemin mortuaire ? On ne sentait rien. C’étaient de vieux os. Ou bien ils avaient été rongés jusqu’à ce qu’il n’en reste rien dessus, pas même le plus petit bout de chair. »

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