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📙 [Chronique] Un loup est un loup

De Michel Folco, aux éditions Points, 1995


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[Coup de cœur] Dans les années 1770, le royaume de France est toujours soumis au bon vouloir du roi. Les coutumes, les traditions, les seigneurs locaux, le clergé et les superstitions avilissent le peuple qui n’a guère le choix que de se plier sous peine de subir une justice arbitraire et radicale. Pourtant, on sent poindre les Lumières et les questionnements sur ce qui semble être une société immuable. Michel Folco, en fabuleux conteur, entraine le lecteur grâce à son style truculent et plein d’humour. Pourtant, il sait aussi enrichir le roman de la richesse historique sur les mœurs et les règles de l’époque. Un véritable plaisir de lecture qui donne qu’une seule envie, lire la suite.


Macarel de non di diou ! Tricotin, le sabotier de Racleterre, vient d’avoir des quintuplés. Branle-bas au village, où la nouvelle se repend comme une trainée de poudre. Déjà, tous les habitants se pressent afin d’apercevoir les enfants, d’un signe de grande fertilité pour les uns ou du malin pour les autres. Même la Châtelaine vient au chevet de la mère constater cet événement incroyable. Tout de suite, elle désigne Charlemagne comme son filleul. Ce dernier né ou premier conçu selon le théologien que l’on préfère, deviendra un garçon étonnant, malin, intelligent et surtout démontrant une certaine connivence avec les animaux dont, le plus maudit, le loup.


Michel Folco sait raconter mais il sait aussi faire découvrir, c’est un très beau roman historique. A chaque page, c’est l’accent de l’Occitanie que l’on entend rocailleux ou chantant, et ce sont les légendes de ma belle région qui naissent sous la plume de l’auteur. C’est aussi le roman de la fratrie chez les humains et chez les loups, un lien du sang plus fort que les traditions, l’enseignement des curés et que les coups de bâtons. Michel Folco, nous apprend aussi beaucoup sur le loup, cette bête mal aimée, de nos jours aussi, dont la société cruelle et fraternelle au langage élaboré, hante toujours les cauchemars des enfants.



Le Rouergue (en occitan rouergat) est une ancienne province du Midi de la France correspondant approximativement à l'actuel département de l'Aveyron. Après avoir fait partie du comté de Toulouse, il fut rattaché à la Guyenne avant d'en être détaché lors de la formation de la province de Haute-Guyenne en 1779.

Le Rouergue comprenait notamment le comté de Rodez, ainsi que la Haute Marche (Millau) et Basse Marche (Villefranche-de-Rouergue).




Les loups sauvages ont toujours fasciné l'espèce humaine au cours de l'histoire, alimentant tous les domaines de la culture : la mythologie, la littérature, les arts mais aussi les peurs et les fantasmes collectifs. Le loup gris est ainsi l'un des animaux les plus connus et les plus étudiés au monde, avec probablement plus de livres écrits à son sujet que pour toute autre espèce sauvage. Il a été méprisé et chassé dans la plupart des communautés pastorales à cause de ses attaques contre le bétail, mais respecté dans certaines sociétés agraires ou de chasseurs-cueilleurs dans lesquelles il a noué des associations depuis longtemps. Bien que la peur du loup soit omniprésente dans de nombreuses sociétés, la majorité des attaques enregistrées contre des personnes ont été attribuées à des animaux souffrant de la rage. Les loups sains attaquent rarement l'homme : depuis le début du XXe siècle, on ne dénombre dans le monde entier qu'une ou deux attaques par an, les victimes étant principalement des enfants loin des agglomérations. La chasse au loup ayant fortement marqué le caractère de l'animal, il est en général craintif et méfiant vis-à-vis de l'homme.



Début du livre « Truffe à l’évent, oreilles aux écoutes, la louve cherchait pitance depuis le crépuscule, gênée par son ventre trop lourd qui pendait à frotter terre. Elle n’aurait pas dû sortir, mais cela faisait quatre jours maintenant que son compagnon n’avait pas réapparu à la lovière. »


Extrait « Pillehomme ouvrit un tiroir dans la table où étaient rangés un nécessaire à écriture et une liasse de feuilles vierges de divers formats. Issu d’une lignée d’huissiers, le jeune secrétaire-greffier était prénommé Gabriel en hommage à l’archange, saint patron de la profession pour avoir pratiqué la première expulsion de l’humanité, celle d’Adam et Eve du paradis. »

Extrait « A l’instar du fouet et de la férule, le martinet était plus un instrument de piété que de torture. Frapper l’écolier fautif non seulement déracinait le mal implanté en lui, mais facilitait la pénétration des connaissances dans son esprit. Cette méthode dite « contondante » était en usage dans la majorité des Petites et Grandes Ecoles du royaume. Pour les punitions à caractère religieux, on cognait sur le crâne avec une bible. »


Extrait « Charlemagne courut s’abriter sous le premier arbre venu. Accroupi contre un tronc, il attendit l’accalmie en méditant sur les loups-garous, ces mi-hommes, mi-bêtes, aux poils poussant sous la peau et qu’on ne pouvait occire qu’avec des balles fondues dans des médailles de Saint-Hubert en argent. D’après leur mère-grand Jeanne, il s’agissait de fils de prêtres, victimes innocentes payant injustement pour les péchés de leurs géniteurs. Pour leur mère-grand Adèle, les garous étaient issus de l’Enfer. Quand celui-ci était surpeuplé, Lucifer retournait son trop-plein d’âmes sur terre où elles devenaient garous pour une période de sept ans avant de pouvoir remonter. »

Extrait « Javertit fendit l’attroupement composé de nombreux bergers, de goujats, de pâtres et autres gagne-petit des alentours venus chercher une femme. La tradition voulait que toute condamnée à mort femelle n’ayant point commis de crime de sang pouvait être graciée par quiconque exprimerait publiquement le souhait de l’épouser. Sans être rares, de semblables occasions se présentaient deux à trois fois l’an et attiraient tout ce que les alentours comptaient de garçons sans terre ni avenir mais désireux néanmoins de se reproduire. De cette coutume était née l’expression « se mettre la corde au cou » en parlant de mariage. »


Extrait « Passé l’endroit où il s’était arrêté, il battit le briquet et enflamma la mèche. Le couloir continuait à descendre sur une vingtaine de pas. Les bruits de clapotis s’intensifièrent. Il découvrit tout à coup une frise faite de petits chevaux à robe ocre qui galopaient sur la paroi de gauche. Ils portaient de curieuses crinières en brosse : deux d’entre eux avaient le ventre distendu qu’ont les juments pleines. »

Extrait « Il compilait pour l’instant une traduction française du Manuel de crucifiement, un ouvrage aussi rare que sulfureux acheté lors de son dernier séjour parisien. En dépit de son titre, c’était d’abord les mémoires de Guerschom bar Kohen (né en 4, mort en 74), maître exécuteur en chef auprès du Sanhédrin de Jérusalem, au temps où Ponce Pilate était procureur de Judée. Maître Guerschom était le seul bourreau de l’histoire de l’humanité à comptabiliser un dieu dans son palmarès. »

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