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📙 [Chronique] Veiller sur elle

De Jean-Baptiste Andrea, aux éditions L'Iconoclaste, 2023


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[Coup de cœur] Cette lecture a vraiment été un excellent moment partagé avec cet écrivain dont j’ai découvert le style. Son prix Goncourt est largement mérité tant dans la forme que dans le fond. En effet, Jean-Baptiste Andrea s’attache à faire vivre des personnages étonnants dans une période troublée, autour du thème de la création artistique. Il modèle ses héros tel le sculpteur, il joue avec leur destin jusqu’à atteindre souvent les points de non-retour. Pourtant, chacun accueille sa destinée comme une délivrance et non une souffrance. Quant à l’écriture, elle sublime cette histoire par son insoutenable légèreté. Un véritable plaisir.

 

Mimo, un vieil homme qui se souvient de son passé. Il évoque sa jeunesse alors qu’il est envoyé dans le village de Pietra d’Alba pour apprendre le métier de sculpteur auprès de son « oncle ». Très petit et pauvre, il n’a aucune chance d’intéresser Viola, la fille d’une famille d’aristocrates, les Orsini. Pourtant, une amitié nait entre Mimo et cette jeune fille au caractère affirmé. Ils se jurent de ne jamais se quitter, pourtant leurs destins vont s’entrechoquer entre les ambitions destructrices d’une jeune fille, le génie de sculpteur de Mimo et la montée du fascisme.

 

Pour ma part, le prix Goncourt est justifié pour ce roman touchant et magnifiquement écrit par Jean-Baptiste Andrea. Il s’en dégage une poésie et une force qui captent dès les premières lignes. La sculpture est un univers que je ne connaissais pas bien, et Andrea m’a fait saisir toutes les sensibilités nécessaires pour réaliser une œuvre et tirer toutes les nuances d’un bloc de marbre. Je ne vais pas voir les sculpture de la même façon désormais. Merci pour ce beau roman en hommage à la beauté, l’art et la force de la volonté.

 

❓Un conseil pour d’autres romans liés à l’art ?




Pietà de Michelangelo

La Pietà est un groupe en marbre de Michel-Ange de la basilique Saint-Pierre du Vatican à Rome, représentant le thème biblique de la « Vierge Marie douloureuse », tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la Croix avant sa Mise au tombeau, sa Résurrection et son Ascension. Elle est sculptée entre 1498 et 1499.

 

La composition pyramidale du groupe sculpté en ronde-bosse marque un contraste entre la Vierge et le Christ : le corps du Christ, très fluide et poli, est représenté en diagonale sur les genoux de sa mère avec la ligne de son corps, trois fois brisée, qui s'adapte au corps de sa mère. Contrairement à la Vierge droite dont le manteau contient de nombreux plis profonds et mouvementés.

 

Ce qui est frappant en regardant cette œuvre est l'âge de la Vierge particulièrement jeune. Contrairement à d'autres Pietà, comme celle dite de Villeneuve-lès-Avignon d'Enguerrand Quarton ou celle de Bronzino, Michel-Ange donne plus d'importance à la beauté de la Vierge qu'à sa douleur.

 

Ce mélange entre la beauté païenne et la religion est une caractéristique que l'on retrouve très fréquemment dans l'œuvre de Michel-Ange. Le Christ quant à lui est représenté selon son âge et semble donc plus vieux que sa mère.

 

Comparé à la Vierge, le corps du Christ apparaît un peu petit, donnant ici encore de l'importance à Marie. Le corps de Jésus forme un S qui s'équilibre avec le reste de la sculpture, notamment avec les riches drapés du vêtement de la Vierge. Le bras droit du Christ tombe naturellement. La Vierge semble y répondre par le geste paume ouverte de son bras gauche.

 

La position des deux mains de Marie est fondamentale pour la compréhension de l’œuvre. La main droite, crispée, mobilise toutes les forces de Marie pour retenir le corps de son fils. La main gauche, avec la paume ouverte, l’index tendu, le majeur ainsi que l’annulaire légèrement repliés, atteste la nature douce et charitable de la Vierge Marie, de son pardon (main tendue), mais aussi de son malheur (majeur et annulaire repliés).

 

C'est la sculpture de Michel-Ange la plus achevée : tout est détaillé et le poli donne un grand raffinement à la surface.



Début du livre « Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l’abbaye en ce jour d’automne 1986, au bout d’une route à faire pâlir ceux qui l’empruntent. En mille ans, rien n’a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides – il faut l’être quand on vit perché au bord du vide -, trente-deux corps qui le furent aussi, dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins.»

 

Extrait « Je n’ai jamais retrouvé la douceur des printemps de Pietra d’Alba, quand l’aube durait tout le jour. Les pierres du village en agrippaient le rose et le passaient à tout ce qui pouvait le refléter, carreaux, métaux, inclusions de mica dans les affleurements rocheux, source miraculeuse, jusqu’aux yeux des habitants. Le rose ne s’éteignait que quand le dernier homme s’endormait, car même à la nuit tombée il survivait dans le regard qu’un garçon posait parfois sur une fille, sous la lumière des lampions. Le lendemain tout recommençait. Pietra d’Alba, pierre d’aube. »

 

Extrait « Nous traversâmes la cité à pied, malgré le froid, slalomant entre les tramways et fiacres tirés par des chevaux aux yeux dolents. Chaque bâtiment m’interpellait, chaque rue, chaque enfilade, chaque nouvelle perspective m’aspirait, donnant à ma démarche une allure titubante qui me valut un regard réprobateur de Metti. A chaque pas, il fallait choisir entre dix formes de beauté, dix histoires différentes. Chaque intersection était un renoncement. La ville glissait en moi et ne me quitterait pas. Ni la grandeur de Rome ni la magie de Venise ou la folie de Naples ne me firent oublier Florence. Ce n’était pas la plus belle des villes d’Italie mais c’était la plus belle. Viola, encore. »

 

Extrait « Contrairement à la Pietà de Michelangelo (anormalement jeune pour être la mère du Christ), celle de Vitaliani n’est pas une gamine. Elle a vécu. Et Williams hasarde l’hypothèse que le mystère réside dans la relation du sculpteur à son modèle.

Il la connaissait, nous dit Williams, et de la nature de cette relation naît le mystère.

Leonard B. Williams mourra en 1981, après avoir consacré les vingt dernières années de sa vie à l’étude de cette œuvre, sans savoir qu’il avait raison, et qu’il se trompait complètement. »

 

Extrait « Ecoute-moi bien. Sculpter, c’est très simple. C’est juste enlever de couches d’histoires, d’anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu’à atteindre l’histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l’histoire qu’on ne peut plus réduire sans l’endommager. Et c’est là qu’il faut arrêter de frapper. Tu comprends ?. »

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