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Cool killer

De Sébastien Douver, aux éditions Points, 2019


Un livre qui m’a fait penser, étrangement, au Parfum de Suskind. Une espèce de folie collective qui atteint tous les individus non par les effluves d’une fragrance mais par l’addiction à internet. Cool Killer est le récit le plus effrayant de la manipulation des masses par les algorithmes des sociétés dominant internet, non pour vendre des produits, mais générer de la violence. Les premières pages sont d’un cynisme incroyable sur le fonctionnement de notre société et pourtant, elles évoquent, malheureusement, une triste réalité dans laquelle on se perçoit parfois.


Cool Killer est un réseau social très particulier et addictif, chacun y fantasme la mort de son prochain, et de la façon la plus horrible, autant se faire plaisir. C’est Alexandre Rose, ingénieur, qui le créé après avoir tué un inconnu. Sans préméditation, sans le faire exprès et sans être inquiété par la police, le crime parfait. Totalement stupéfié par ce fait divers, Alexandre Rose abandonne femme, enfants et travail pour s’atteler à son objectif ultime : élargir son champ de malfaisance à la planète entière.


Sébastien Douver signe un roman atypique, très addictif, qui nous interpelle sur notre niveau de manipulation par les réseaux. A l’heure de la multiplication des « influenceurs », nous sommes certainement incapable de mesurer notre total libre arbitre sur le choix d’un produit, une décision ou, plus grave, sur un vote national. Chacun, de son côté, se renvoie la balle sur l’aspect manipulation et Sébastien Dourver en pointe le danger à son paroxysme. A lire absolument.

Début du livre « A la maison, ma pute de bonne femme m’attendait. Son petit sourire et sa fausse empathie cachaient mal son vrai désir de grosse voyeuse. Elle aurait tellement voulu connaître les détails de l’accident ! Quel plaisir de voir sa bouche se déformer de rage quand je lui expliquai que je n’avais pas envie d’en parler. Elle dut se contenir. J’allai m’allonger dans la chambre de bonne humeur. »


Extrait « L’entreprise Qtulu était un monstre tentaculaire dans la mer de l’information. Au beau milieu du vingtième siècle, trois amis, anciens compagnons d’armes dans la Résistance, furent sincèrement persuadés que la diffusion massive de la connaissance et de l’information sauverait le monde de l’ignorance et empêcherait ainsi la Troisième Guerre mondiale. Carrément. Que l’ignorance entraîne la haine, admettons. Mais croire que démocratiser l’information suffit à combattre l’ignorance, ça, c’est de l’ignorance. »


Extrait « Son bureau est à la hauteur : minable. Quelques phrases de gourous de la motivation sur un tableau blanc effaçable posé contre le mur. « La différence entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent, c’est que ceux qui réussissent réessayent ! » Ou encore : « Que ceux qui pensent que c’est impossible cessent de déranger ceux qui le font. » Pire, sur le mur et en lettres rouges : « The happiest start-up in the world. » Pure poésie naïve. Pourtant, croyez-moi, les grandes phrases ne sont pas nécessaires pour vendre de la pub. Mais ces gens-là ont besoin de s’inventer de l’importance. Pour eux, Steve Jobs est un génie. Leur idole est un vendeur de téléphone. »


Extrait « Pour laisser des empreintes pareilles sur internet, il faut d’abord être décérébré mais il faut aussi s’imaginer sans avenir sur notre planète. Il me suffit de scanner un des trois cafards pour constater qu’ils ont en effet repoussé toutes les limites de la connerie. Tout ce qu’ils ont mis en ligne fait à jamais partie du panthéon de la bêtise humaine. Internet est indélébile, Internet est la seule chose indélébile. Les tatouages, les preuves accablantes, l’amour… Tout s’efface – sauf si vous l’avez partagé sur internet. »

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