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Cry father

De Benjamin Whitmer, aux éditions Gallmeister, 2014

Dès les premières phrases, l’auteur tranche dans le vif, la violence est posée et se poursuivra jusqu’à la fin. Pas de préambule, de prologue, d’introduction, on connaîtra en cours de lecture les fils discrets qui guident les personnages. Et ces personnages ne sont pas des héros, ils évoluent sans objectifs précis hormis celui de survivre tant bien que mal jusqu’au lendemain. Et pourtant, cette tâche n’est pas forcément évidente tant ils ont le don de se fourrer dans les pires problèmes. On se vautre dans la noirceur, la drogue, l’alcool, la souffrance, les larmes et malgré tout dans la compassion. Un très beau roman.


Entre le Colorado et le Nouveau-Mexique, Patterson Wells erre comme une âme perdue. Il boit, seul dans sa cabane isolée au milieu de nulle-part, depuis que son fils est mort. Ce drame effroyable l’a vidé de toute envie de vivre. Il rencontre alors Junior, le fils de son ami Henry. Celui-ci, qui vit du trafic de drogue, va l’entrainer dans un tourbillon de violence incontrôlée et se heurte aux réalités les plus sinistres de l’Amérique.


Ce roman crépusculaire aux chapitres brutaux est entrecoupé de lettres que Patterson adresse à son fils disparu. Des mots forts empreints d’une émotion, elle aussi, brutale. Ils sont issus d’une âme anéantie par le vide et la douleur. Whitmer réussit à décrire dans un style parfaitement maîtrisé le registre des blessures physiques et morales.


Début du livre « Patterson Wells pousse la porte d’entrée et trouve Chase au travail devant un tas de crystal meth gros comme son crâne réduit.

- Assieds-toi, fils de pute, dit Chase, accroupi, perché comme un oiseau sr le canapé, les yeux fumants comme s’il s’était injecté cette merde directement dans les conduits lacrymaux. »


Extrait « Ce matin, il se réveille sur le siège avant de sa voiture, la bouche ouverte remplie d’un goût qu’il situe quelque part entre la carrière de gravier et l’égreneuse de coton. La dernière chose dont il se souvienne est la I-25, le retour après sa deuxième descente d’affilée jusqu’à la frontière. Il sait qu’il devrait avoir plus de souvenirs que ça, mais non, il n’y a rien d’autre. Les pensées, elles commencent à lui échapper. »


Extrait « Tu n’es jamais sorti du coma. Tu as tenu deux semaines. J’étais aux toilettes de l’hôpital quand tu es mort, et quand ils m’ont arrêté pour me le dire dans le couloir à mon retour, je ne les ai pas crus. Pas avant de t’avoir vu. Je n’avais aucun moyen d’imaginer un monde sans toi. Je crois bien que je n’en ai toujours pas. C’est comme si on m’avait enlevé une pièce et que je continuais à marcher sans but en attendant juste de m’effondrer sur moi-même. »


Extrait « La plupart du temps, je vois ton visage, il ne me quitte pas. Et la plupart du temps, je fais en sorte que ce soit le cas. Je t'écris parce que ça me force à te hisser hors de ma mémoire pour te placer devant moi. J'ai ce cauchemar où je cherche quelque chose que je ne trouve pas, avant de comprendre que c'est toi que je cherche. Je sais que si je m'arrête d'écrire tu couleras si profond qu'il me sera impossible de te hisser de nouveau à la surface. Tu couleras à jamais et il ne me restera plus que ce qu'il reste à tout le monde. »

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