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Eldorado

De Laurent Gaudé, aux éditions J'ai Lu, 2006


Laurent Gaudé a l’écriture forte et le style tranchant. Eldorado est le roman des migrants, ceux qui rêvent de parvenir en terre bénie, sur laquelle on a jamais faim, jamais soif, sur laquelle les gens vivent heureux et sans crainte d’un malheur quotidien. Des personnages prennent le chemin de l’exil, abandonnent leurs familles et leurs biens, bravent les voleurs, et ceux qui les laissent mourir sur la route. Ils n’ont plus qu’un objectif, fuir la misère et l’angoisse du lendemain, pour eux et pour leurs enfants. Un roman qui remet les idées en place.


Le commandant Piracci patrouille en Méditerranée sur son navire de garde-côte italien. Il va à la rencontre des bateaux de fortune affrétés par des armateurs sans scrupules pour emmener les migrants vers les rivages de l’Europe, l’Eldorado. Sa mission est de sauver des pauvres gens d’une noyade certaine et de faire respecter la législation européenne sur l’immigration. Pourtant, un jour son regard croisera celui d’une femme, des yeux qui vont bouleverser l’ensemble de ses certitudes.


Avec un texte extrêmement fort, Laurent Gaudé, nous emmène, nous Occidentaux, de l’autre côté de cette frontière. De ce côté-là où l’on croit que l’Europe est la terre de tous les possibles. Mais ce passage de frontière a un prix élevé, si ce n’est pas la vie, c’est l’abandon de sa vie. Une sorte de roulette russe avec un barillet aux trois quart plein, un jeu auquel certains sont capables de se soumettre plusieurs fois. Je n’ai jamais été déçu par les romans de Gaudé, ce sont des contes du XXIème siècle.

Début du livre « A Catane, en ce jour, le pavé des ruelles du quartier du Duomo sentait la poiscaille. Sur les étals serrés du marché, des centaines de poissons morts faisaient briller le soleil de midi. Des seaux, à terre, recueillaient les entrailles de la mer que les hommes vidaient d’un geste sec. »


Extrait « Nous allons laisser derrière nous la tombe de nos ancêtres. Nous allons laisser notre nom, ce beau nom qui fait que nous sommes ici des gens que l’on respecte. Parce que le quartier connait l’histoire de notre famille. Il est encore, dans les rues d’ici, des vieillards qui connurent nos grands-parents. Nous laisserons ce nom ici, accroché aux branches des arbres comme un vêtement d’enfant abandonné que personne ne vient réclamer. Là où nous irons, nous ne serons rien. Des pauvres. Sans histoire, sans argent. »


Extrait « Je me suis trompé. Aucune frontière n’est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s’arracher la peau pour quitter son pays. Et qu’il n’y ait ni fils barbelés ni poste frontière n’y change rien. J’ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l’on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. »

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