Fantazmë
De Niko Tackian, aux éditions Le livre de Poche, 2018
Deuxième roman de Tackian que je lis et toujours une écriture aussi percutante que décapante. Peu de fioritures façonnent un style qui va droit à l’essentiel et qui laisse au lecteur imaginer les scènes entre les chapitres. Niko Tackian maitrise cet exercice à l’image de son héros, Tomar Khan, dont on imagine l’abrupt caractère mental et physique. Ce flic, dans cet opus, qui succède à Toxique, est encore plus difficile à cerner. Un personnage extrêmement complexe qu’il vaut mieux éviter si on est une ordure. Fantazmë est un plaisir de lecture trop vite englouti.
Tomar Khan est toujours en proie à ses cauchemars de plus en plus réalistes et ceux-ci lui occasionnent de telles terreurs qu’il parvient difficilement à faire à la différence entre rêve et réalité. Côté vie professionnelle, les réalités sont aussi effroyables, un mystérieux assassin semble appliquer une justice expéditive aux pires truands. Pour la mafia albanaise, particulièrement visée, il faut retrouver ce fantôme « fantazmë » et lui faire payer, au prix le plus fort, son arrogance. Pour Tomar, poursuivi par ses propres démons, incapable d’assumer sa relation amoureuse et pris dans le collimateur de l’IGPN, le point de rupture s’approche.
Quand on referme Fantazmë, on reste forcement sur sa faim, car les portes les plus noires de Tomar Kahn restent encore à ouvrir. Avec Niko Tackian, nous sommes dans le roman noir qui fragilise notre réalité. Car ce que nous tenons pour des fantasmes est bien l’effroyable réalité de certains : prostitutions, trafic de drogues, meurtres horribles, déni de toute humanité. C’est un parfait polar noir, bien ancré dans la réalité, avec des moments parfois effroyables. Comme le dit si bien Franck Thilliez, il faut désormais compter avec le commandant Tomar Khan.
Début du livre « Quelques notes de jazz et le chant rauque d’une femme se perdaient dans l’obscurité. Tomar ne savait pas où il avait entendu ce morceau, mais il résonnait dans son crâne comme une mélodie entêtante. Il se tenait immobile, le dos contre le tronc épais d’un arbre. »
Extrait « Des conneries. Après six ans d’activité durant lesquels il s’était occupé de plaintes allant du simple PV balancé au visage jusqu’au vol, aux violences ou au trafic de stupéfiants, il savait que la police, comme tout corps de métier, comptait son lot de brebis galeuses ne méritant pas de porter l’uniforme. »
Extrait « Tomar, il y a quelque chose que je ne t'ai jamais dit...mais avec ces questions sur ton père et nos dernières discussions, j'ai compris que j'avais eu tort, dit-elle d'une voix inhabituellement fluette.
Tomar ne répondit rien, il se contenta d'attendre en retenant son souffle. - Je suis désolée, mon fils.....désolée de ne pas avoir su te défendre contre....lui. J'espère que tu me pardonneras un jour.....
Ara se colla contre son fils sans prononcer un mot de plus. Tomar la serra dans ses bras. Il sentit son corps mince et vit les larmes sur ses joues. Et ils restèrent ainsi silencieux, à partager leur douleur. »
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