Invasion
De Luke Rhinehart, aux éditions Aux forges de Vulcain, 2016
Luke Rhinehart aime démontrer par l’absurde les contradictions de notre civilisation et c’est un sacré boulot. Invasion est une histoire folle, pleine d’humour mais surtout la satire sans concession de l’administration et du système politique et économique américain (et donc celui de l’Occident en général). Malgré le très bon moment passé avec ce livre, il ressort de cette lecture un goût amer sur notre mode de vie qui conduit de fatalement à un catastrophe écologique et sociale. A moins que des extra-terrestres interviennent.
Billy Morton est patron pêcheur non loin de New York, il fut jeune activiste mais désormais âgé de 70 ans, il préfère prendre la vie avec nonchalance. Marié à Carlita, une avocate brillante et beaucoup plus jeune que lui, ils élèvent deux adolescents. Pourtant sa vie bien tranquille va être chamboulée par l’arrivée sur son navire d’une boule de poils, qui va se révéler être bien plus intelligente qu’aucun autre être vivant sur notre terre. Adopté par la famille, Louie, l’extra-terrestre est farceur, et ses facéties ne seront pas au goût des autorités.
C’est un grand plaisir de lire ce roman, plutôt une fable dans laquelle les extra-terrestres sont des révélateurs de l’utilisation nuisible, le plus souvent de notre intelligence. Car la morale est là, pourquoi les hommes se servent de leur cerveau de façon aussi stupide ? L’humanité a tout pour être heureuse, dans son for intérieur et dans son environnement, pourtant, il en ressort depuis des millénaires, des guerres, des massacres, la destruction, la possibilité de réduire plusieurs fois la terre à l’état de cendres. Les êtres humains sont le moyen par lequel la planète tente de se suicider.
Luke Rhinehart est né en 1932 dans la ville américaine d'Albany. Son père se suicide alors qu'il a 9 ans. Il est éduqué dans une académie militaire. Pour surmonter sa timidité maladive ou résoudre des situations inextricables, il joue. Il définira ainsi ce qui deviendra son mode de vie : « le jeu, l’amusement, voilà ce que devrait être la vie humaine ».
Il s'intéresse au soufisme et au zen (il écrira plus tard deux ouvrages avec des personnages soufis (Matari en 1975) ou zens (Adventures of Wim en 1986). Il débute comme professeur de littérature américaine au Dowling College de Long Island. C'est lors d'un séminaire sur la liberté qu'il a l'idée de laisser les dés dicter des choix de vie.
Dans les années 1960, les dés l'ont amené, lui et sa femme, à vivre au Mexique ou dans d'autres pays d'Amérique, puis sur un bateau avec sa femme et ses trois enfants dont il tirera le livre Odyssée du vagabond — et dans le village de Deià à Majorque.
C'est sur l'île espagnole, alors qu'il avait débuté l'écriture de L'Homme-dé depuis quatre ans, que Rhinehart rencontre l'éditeur anglais Mike Franklyn qui l’incite à terminer son livre qu'il publie en 1971. Le livre passe inaperçu dans sa première éditions aux États-Unis mais connait le succès en Grande-Bretagne puis en Suède, au Danemark et en Espagne. L'ouvrage va se vendre à plus de deux millions d'exemplaires, devenant un livre culte dans la culture populaire, inspirant ainsi de nombreuses personnalités du monde du rock. Rhinehart se réinstalle plus tard aux États-Unis mais en préservant son incognito. Il meurt chez lui à Canaan dans le nord de l'État de New York, à 88 ans.
Luke Rhinehart a publié neuf romans (pas tous traduits en français) mais aussi divers autres ouvrages dont un livre de développement personnel.
Début du livre « Je m’appelle Billy Morton. Quand j’ai fait la rencontre de Louie, j’étais capitaine d’un petit chalutier à Greenport, sur la péninsule de North Fork, à Long Island. »
Extrait « Pour tout dire, je l’ai trouvée sur le bord de la route. En fait, sa petite Honda avait un pneu crevé et quand je l’ai dépassé, tout guilleret, je n’avais pas la moindre intention de m’arrêter. Mais j’ai jeté un coup d’œil dans le rétro et j’ai remarqué une paire de fesses hallucinantes : c’était elle qui s’était penchée pour constater l’étendue des dégâts. J’ai ralenti, j’ai fait faire demi-tour à mon pick-up et je suis revenu pour le garer derrière elle. Ces fesses, elles avaient encore meilleure allure vues de plus près. Ce fut un moment historique. »
Extrait « Jour après jour, soir après soir, les mêmes experts se posaient les mêmes questions et donnaient l’un après l’autre leurs réponses absolument ridicules. Pas un seul d’entre eux a dit qu’il n’était pas sûr. Jamais un expert à la télé, dans l’histoire de l’univers (de notre univers, je précise), n’a répondu à une question par : « J’sais pas. » C’était leur boulot, après tout, de répondre à ces questions, même si c’était impossible. A la télé, sur Twitter, sur Facebook, sur les blogs, dans les pages d’opinion des journaux, chacun y allait de son hypothèse. Et il y en avait des pas mal. »
Extrait « Il y a un dicton, chez les marins : un marin ne connait que deux moments de vrai bonheur, le jour où il achète son premier bateau, et le jour où il réussit enfin à s’en débarrasser. »
Extrait « Il n’y a rien de mal, a-t-il ajouté, à ce que des œuvres de bienfaisance ou des travailleurs sociaux ou tout autre organisme bien intentionné fassent des choses pour aider les pauvres, mais à la seule condition qu’ils soient payés pour le faire. Aider un autre être humain, aider votre prochain sans recevoir de compensation économique détruit les fondements de la libre entreprise et donc de toute notre existence. Ces gens-là veulent semer la ruine dans notre grand pays. »
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