L’étrange destin de Wangrin
De Amadou Hampaté Bâ, aux éditions 10/18, 1973
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé ce texte du grand conteur Amadou Hampaté Bâ. Pourtant, à travers l’histoire de Wangrin, il m’a manqué la magie des deux autres ouvrages lus précédemment. Wangrin est un homme que l’on peut apprécier pour son intelligence et sa générosité mais que l’on peut aussi trouver antipathique par son attitude arrogante et sans scrupules pour rouler les autres afin de parvenir à ses fins. D’ailleurs n’a-t-il pas choisi comme pseudonyme « Gongoloma-Sooké, le nom d’un dieu aux réactions imprévisibles et au caractère très ambigu.
Début du siècle dernier, la France domine une partie de l’Afrique occidentale grâce à d’immenses colonies. Malgré sa force militaire, administrative et commerciale sur les populations, la France s’appuie sur des rois locaux et des agents autochtones pour assoir sa suprématie. Wangrin est issu des écoles obligatoires, mais son cœur et ses croyances sont africaines. Avec une intelligence hors du commun, une grande force de caractère, une bonne dose de malice et l’aide des dieux, il va devenir une légende riche et puissante aux dépens des colons et de ses ennemis.
Wangrin a-t-il réellement existé ou est-il issu de la tradition orale des conteurs africains. Amadou Hampaté Bâ l’a rencontré et Wangrin lui a raconté son histoire, celle d’un homme aux multiples facettes, faisant appui de toutes les religions, de tous ceux qu’il croise, de toutes les règles et superstitions pour arriver à ses fins. Pourtant, on se prend d’affection pour ce personnage hors du commun qui démontre, avec malice, le génie africain, la solidarité familiale et la générosité. Hampaté Bâ, nous amuse des farces de Wangrin, jusqu’à la dernière.
Début du livre « C’était l’époque la plus chaude de l’année, et il faisait plus chaud, ce dimanche-là, qu’en aucun des jours précédents. Aussi, quand le soleil atteignit le plein milieu du ciel, toutes les ombres se rétractèrent. Chacune se retrancha sous le pied de l’objet dont elle était issue. »
Extrait « Toi, mon cadet, tu réussiras dans ta vie si tu te fais accepter par Gongoloma-Sooké, et cela tant que la pierre d’alliance de ce dieu sera entre tes mains. Je ne connais pas ta fin, mais ton étoile commencera à pâlir le jour où N’tubanin-kan-fin, la tourterelle au cou cerclé à demi d’une bande noire, se posera sur une branche morte d’un kapokier en fleur et roucoulera par sept cris saccadés, puis s’envolera de la branche pour se poser à terre, sur le côté gauche de ta route. A partir de ce moment tu deviendras vulnérable et facilement à la merci de tes ennemis ou d’une guigne implacable. Veille à cela, c’est là mon grand conseil. »
Extrait « Wangrin n’avait écouté que d’une oreille le discours mi-prometteur mi-macabre de Diofo. Son esprit en alerte évaluait la profondeur du pétrin dans lequel il était tombé d’une manière malencontreuse et cherchait un moyen d’en sortir, la tête bien en place sur les épaules.
Eurêka ! Le cerveau artificieux et rusé de Wangrin venait de pondre un œuf de sa production. Son courage n’avait plus qu’à le couver et le faire éclore avant que ne chantent les coqs et ne braient les ânes au petit matin. »
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