📙 [𝓒𝓱𝓻𝓸𝓷𝓲𝓺𝓾𝒆] L’architecte du sultan
- jmgruissan
- 14 juin
- 4 min de lecture
De Elif Shafak, aux éditions J'ai Lu, 2014
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Voici un beau livre sur la vie à Istanbul, siège de l’empire ottoman sous le règne de Soliman le Magnifique et de ses successeurs. Un roman qui nous plonge littéralement dans une société qui vit sous les précepte de l’islam et sous l’ombre de Dieu sur terre, le sultan. Autant dire que tous les habitants jusqu’au grand vizir jouent leurs carrières ou même leurs vies à chacune de leurs paroles ou de leurs actes. Pourtant, Juifs, Chrétiens, commerçants et érudits bénéficient d’une relative liberté. C’est dans ce cadre que les architectes et plus particulièrement celui du sultan sont sollicités pour construire les plus grandioses monuments de l’époque.
Par un drôle de concours de circonstances, le jeune Jahan débarque à Istanbul avec un éléphant blanc, cadeau d’un maharadjah au sultan. Il est conduit en tant que cornac à la ménagerie impériale au cœur du palais. Au milieu des dompteurs, des énuques, des intrigues, il rencontre l’amour mais aussi Sinan, l’architecte royal qui va le prendre comme apprentis et l’initier à cet art. Il participera à la construction de la grande mosquée de Soliman. Mais côtoyer les puissants n’est pas sans dangers.
Dans ce roman historique mêlant réalité et fiction, Elif Shafak imagine un jeune en quête de soi dans un monde qu’il ne connait pas. Un passage très compliqué pour des personnes, même aujourd’hui dans une extrême mondialisation, subissent un déracinement voulu ou forcé. Heureusement, il va aussi connaitre la bienveillance, l’accueil, la tolérance et la transmission, des valeurs fondamentales dans nos sociétés. C’est donc un grand roman sur la richesse du métissage des cultures et le génie des hommes.
❓Quel est le dernier roman historique qui vous a marqués ?

𝓓𝒆́𝓫𝓾𝓽 𝓭𝓾 𝓵𝓲𝓿𝓻𝒆 « De tous les êtres que Dieu a créés et Shaitan dévoyés, seuls quelques-uns ont su découvrir le Centre de l’Univers – là où n’existe ni bien ni mal, ni passé ni futur, ni Moi ni Toi, ni guerre ni raison de guerroyer, seulement une mer infinie de calme. Ce qu’ils trouvaient là était si beau qu’ils en perdaient le don de la parole. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Majnoun Shaykh parlait d’amour – de Dieu et de nos frères humains, de l’Univers dans sa totalité jusqu’à la plus infime particule. La prière devrait être une déclaration d’amour, d’un amour dépouillé de toute anxiété ou attente disait-il. Il ne fallait ni craindre de bouillir dans un chaudron ni rêver de vierges houris, puisque l’enfer et le ciel, la souffrance et la joie, se trouvaient ici-bas maintenant. Combien de temps allez-vous rester éloignés de Dieu, demandait-il, au lieu de vous mettre à l’aimer ? »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Si les gens admiraient les décorations intérieures, rares étaient ceux qui comprenaient quel tour d’adresse avait permis d’intégrer les contreforts aux murs. Plus rares encore ceux qui voyaient que les parois latérales, libérées de la charge de soutenir la coupole, étaient garnies de nombreuses fenêtres, par où la lumière coulait aussi chaleureusement que le lait d’une mère pour son enfant. Et encore plus rares ceux qui avaient conscience que chaque pierre saillante à l’intérieur de la mosquée était placée délibérément de manière à réfléchir les sons, afin que chaque membre de l’assemblée puisse entendre le sermon, qu’il soit assis près ou loin de l’imam. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Jahan hésita. Il ne pouvait ni accepter ni refuser. Balaban le poussait devant lui, parlant sans interruption pour apaiser ses craintes. Il expliqua qu’un bordel à Istanbul, c’était un peu comme le début d’un conte turc – il était une fois, et une fois il n’était plus. »
𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Le sultan Mourad monta sur le trône. Il fit d’abord exécuter ses frères puis enterrer son père. S’il savait apprécier une mosquée importante autant que tout autre souverain, il n’accordait pas autant de valeur à la majesté que son grand-père Soliman, ou à la beauté que son père Sélim. Ni forza ni bellaza, seul comptait maintenant utiltà. Le fonctionnel avant le grandiose. A partir de ce jour, plus rien ne serait pareil pour Sinan et ses quatre apprentis. »
𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Une fois l’an, au cours du mois de Shaban, dans la nuit qui sépare le treizième du quatorzième jour, tous les anges se rassemblent en cercle autour de lui. Ils battent des ailes à l’unisson. Ainsi ils font lever un vent puissant qui agite les branches. Peu à peu, les feuilles tombent. Parfois il faut beaucoup de temps à une feuille avant qu’elle ne se détache. Pour d’autres, la chute est aussi rapide qu’un clin d’œil. Au moment où une feuille touche le sol, la personne dont elle porte le nom inscrit rend son dernier souffle. C’est pourquoi les sages et les érudits ne marchent jamais sur une feuille sèche, au cas où elle emporterait l’âme de quelqu’un quelque part. »
𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Le séjour des défavorisées, c’est ainsi qu’on l’appelait. Un manoir géant à moitié dissimulé par de grands pins et de hautes murailles. C’était là que les concubines qui n’étaient plus dans les grâces du sultan, ou n’y avaient jamais été ou n’y seraient jamais finiraient par aboutir le moment venu. »
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