L'Heure bleue

De Paula Hawkins, aux éditions Sonatine, 2024

Thriller / Roman noir

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[Coup de cœur] J’avais découvert Paula Hawkins avec La fille du train, que j’avais beaucoup apprécié tant par l’histoire que par le style de narration. Et avec L’Heure bleue aimablement proposé par Babelio et les éditions Sonatine dans le cadre de l’opération Masse Critique, je retrouve tout ce qui m’avait charmé précédemment. Tout d’abord, une expérience narrative originale, un scénario très bien construit et une écriture extrêmement addictive. Au-delà, du thriller, l’autrice nous questionne sur les motivations de chacun des personnages dont les actes sont dictés, malgré eux, par les sentiments les plus obscurs.

La célèbre peintre Vanessa Chapman est décédée en léguant à la Fondation Fairburn l’ensemble de sa production artistique. Pourtant, la succession n’est aussi simple à régler que le testament semble l’indiquer. En effet, sa dernière maison sur l’île d’Eris en Ecosse est toujours occupée par une de ses amies, l’étrange Grace Haswell. Celle-ci a accompagné l’artiste pendant une grande partie de sa vie jusqu’à son dernier souffle. Grace refuse encore que les ayant droits mettent leurs mains dans les affaires les plus intimes de leur vie commune.

Becker, le directeur de la fondation, et passionné de l’œuvre de Vanessa Chapman, va essayer d’approcher Grace et gagner sa confiance avant que les juristes s’en mêlent. Pourtant, rien n’est simple autant dans sa vie privée que professionnelle, car Grace, elle-aussi sait jouer de faux-semblants pour arriver à ses fins.

Roman noir ou thriller psychologique, Paula Hawkins propose un huis-clos parfois oppressant. Les personnages sont complexes et leurs vies terriblement emmêlées au cœur de deux lieux, la fondation et l’île d’Eris. L’autrice déploie tout son talent pour créer une ambiance dramatique, forte en sentiments, l’amour et la jalousie, l’empathie et la violence, la passion et la haine.

Un très beau roman aussi sur la construction artistique, les traces laissées par l’artiste et son héritage matériel et sentimental. Une frontière trop flou que Paula Hawkins explore dans les moindres questionnements pour élaborer un roman addictif et intelligent.

❓ Quel est votre dernier coup de cœur thriller ?

𝓓𝒆́𝓫𝓾𝓽 𝓭𝓾 𝓵𝓲𝓿𝓻𝒆 « La lune m’a réveillée. Trop brillante, trop proche. Elle projetait une étrange clarté sur la mer ; avec cette lumière sombre, on se serait cru en plein jour, et j’avais l’impression de regarder le négatif d’une photo »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « A une époque, Grace préparait à manger en écoutant la radio, mais elle a fini par arrêter. Elle ne pourrait pas retrouver la date précise de ce changement, elle sait juste qu’il s’est produit le jour où le réconfort d’entendre d’autres voix dans la pièce n’a plus suffi à faire oublier l’affreux vide qui le remplaçait au moment où elle éteignait l’appareil avant d’aller se coucher. Aujourd’hui, le silence qui hante la maison depuis le départ de Becker résonne comme un glas. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Il s’enfonce jusqu’au fond de l’atelier, ouvre le four et, en humant l’odeur de poussière et de cendre qui s’en dégage, il a la chair de poule. Il imagine Vanessa effectuant ce même geste, la gorge nouée au moment de découvrir si son œuvre a survécu à la cuisson. S’il pouvait, Becker braverait volontiers le froid pour passer le reste de la nuit ici, au milieu des affaires de cette artiste qu’il admire tant. Mais ce serait impoli. Et il lui reste du travail à faire, des questions à poser. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Je t’ai vue, s’empressa de dire Margueritte. A l’heure bleue, ajoute-t-elle. A avant le lever du soleil. »

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Grace a pris un peu de retard dans la montée, si bien que Becker dispose de quelques instants pour profiter seul du lieu. Et là, bercé par le cri des mouettes et le bruit des vagues qui se brisent sur les rochers en contrebas, il retrouve la même sensation que la veille au soir, lorsqu’il a aperçu par hasard Totem dans la chambre de Vanessa : il est euphorique, il est heureux, et il a l’impression de découvrir quelque chose qu’il a toujours connu. Il n’a jamais mis les pieds dans cet endroit, et pourtant il l’a déjà vu des centaines de fois, au lever et au coucher du soleil, en été et en hiver, sous un ciel bleu comme aujourd’hui et sous un ciel gris et lourd de menaces. »