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📙 [𝓒𝓱𝓻𝓸𝓷𝓲𝓺𝓾𝒆] La stratégie du choc – La montée d’un capitalisme du désastre

  • jmgruissan
  • il y a 7 jours
  • 10 min de lecture

De Naomi Klein, aux éditions Actes Sud, 2007


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Cet ouvrage d’économie géo politique date de 2007 et pourtant, il se révèle toujours d’une étonnante actualité avec l’élection de Trump aux USA. Les dernières décisions du président américain donnent un écho glaçant au livre de Naomie Klein, sur ce capitalisme au cynisme sans limite, dans lequel les hommes et l’argent des contribuables américains sont mis au service de sociétés privées. Selon les économistes les plus libéraux, il faut privatiser l’ensemble des services publics, écoles, services sociaux, santé, police, armée, services de renseignements jusqu’à la gouvernance elle-même.

Une privatisation sans bornes dont on a vu les horreurs dernièrement, lorsque on a constaté le désarroi des gens devant l’attitude des pompiers privés laissant bruler des maisons en Californie.

 

La thèse de Naomi Klein s’appuie sur des faits et des études sur l’ensemble des continents. Les adeptes de l’école de Chicago autour de Milton Friedman ont besoin de catastrophes naturelles, de guerres, d’effondrements politiques, de bénéficier de ces chocs sur la population pour mettre en place les trois éléments fondamentaux de l’ultralibéralisme « privatisation, déréglementation, réduction des services gouvernementaux ». Car sans un choc, il est très difficile à une population d’accepter des mesures économiques qui appauvrissent toutes les classes sauf les ultra riches, qui bradent les ressources d’un territoire aux firmes étrangères, et brident un grand nombre de libertés.

 

Un ultralibéralisme et une soif de profit qui font poindre un point de non-retour car si pour l’essentiel nos élites politiques et économiques font preuve d’un grand optimisme dans le dossier du réchauffement climatique, c’est peut-être parce qu’elles sont raisonnablement certaines d’échapper elles-mêmes à la plus part des inconvénients.

 

Naomi Klein appelle « capitalisme du désastre » ce type d’opération consistant à lancer des raids systématiques contre la sphère publique au lendemain de cataclysmes et à traiter ces derniers comme des occasions d’engranger des profits. »

A la différence du Plan Marshall - au moment de la reconstruction de l’Europe après la Deuxième Guerre mondiale, les puissances occidentales adoptèrent le principe suivant : les économies de marché devaient garantir une dignité élémentaire suffisante pour dissuader des citoyens désillusionnés de se tourner de nouveau vers une idéologie plus attrayante, qu’elle fût fasciste ou communiste – les plans de reconstruction dictés par les USA, le FMI et la Banque mondiale, sur les conseil néo libéraux ont abouti plusieurs années plus tard au rejet des politiques ultralibérales et au replis sur soi des peuples. Entrainant par la force des choses à des votes extrêmes et la négation de la démocratie.

 

A l’heure où je rédige cette chronique, encore une preuve de cette stratégie du choc, dans laquelle Trump essaie de profiter des richesses d’un peuple ukrainien en détresse contre une aide militaire.

A découvrir même si le pavé de plus de 700 pages et à absorber.

 

❓Etes-vous sensibiliser à l’économie politique ?



𝓓𝒆́𝓫𝓾𝓽 𝓭𝓾 𝓵𝓲𝓿𝓻𝒆 « Je fis la connaissance de Jamar Perry en septembre 2005 au refuge de la Croix-Rouge de Baton Rouge, en Louisiane. De jeunes scientologistes au large sourire distribuaient des repas, et Jamar faisait la queue avec les autres sinistrés. Je venais juste de me faire houspiller pour avoir osé m’entretenir avec des évacués en l’absence d’escorte médiatique. Canadienne blanche perdue au milieu d’Afro-Américains du Sud, je faisais de mon mieux pour passer inaperçue. »

 



𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « « Lorsqu’il s’agit de tout casser, nous sommes doués. Le jour où je pourrai consacrer autant de temps à la reconstruction qu’aux combats sera pour moi un très bon jour », fit observer le général Peter W. Chiarelli, commandant de la Première Division de cavalerie de l’armée des Etats-Unis, un an et demi après la fin officielle de la guerre. Ce jour-là ne se leva jamais. Comme Cameron, les docteurs chocs de l’Irak savent détruire, mais ils semblent incapables de reconstruire. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Dans les années 1960 et au début des années 1970 en Amérique latine, la gauche représentait la culture de masse dominante – la poésie de Pablo Neruda, le folklore de Victor Jara et de Mercedes Sosa, la théologie de la libération de prêtres du tiers-monde, le théâtre émancipateur d’Augusto Boal, la pédagogie radicale d’Eduardo Galeano et de Walsh lui-même. La gauche, c’était aussi les martyrs et les héros légendaires de l’histoire ancienne et récente, de José Gervasio Artigas et Che Guevaras en passant par Simon Bolivar. En entreprenant de faire mentir la prophétie d’Allende et d’éradiquer les socialisme, les juntes déclaraient la guerre à toute une culture. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Au lendemain du fatidique voyage de Milton Friedman au Chili en 1975, Anthony Lewis, chroniqueur au New York Times, posa une question simple mais incendiaire : « si ce n’est qu’au prix d’une répression qu’on peut appliquer à la lettre la théorie économique de Chicago, ses auteurs ont-ils une part de responsabilité dans la situation du Chili ? » »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Les crises sont d’une certaine façon, les zones franches de la démocratie – des « moments vacants » au cours desquels les règles habituelles touchant le consentement et le consensus ne semblent pas s’appliquer. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Sachs se plaisait à citer la mise en garde de Keynes : « Il n’y a pas de moyen plus ingénieux et plus sûr de saper les fondements de l’ordre social que d’avilir la monnaie. Toutes les forces cachées des lois économiques œuvrent fatalement dans ce sens. » »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « La transcription d’entretiens montre que le gouvernement des Etats-Unis approuva les prêts consentis à la junte en sachant pertinemment qu’ils seraient utilisés dans le cadre d’une campagne de terreur. Au début des années 1980, ce sont donc des dettes odieuses que Washington obligea le nouveau gouvernement démocratique de l’Argentine à rembourser. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Au cours de cet hiver 1989 riche en péripéties se tint une sorte de réunion pour le renouveau de la foi des tenants de cette vision du monde. Elle eut lieu, comme de juste, à l’université de Chicago. L’occasion ? Un discours de Francis Fukuyama intitulé « La fin de l’histoire est-elle proche ? ». Pour Fukuyama, haut gradé au secrétariat d’état des Etats-Unis, la stratégie des apôtres du capitalisme débridé était limpide : ne pas discuter avec les partisans d’une troisième voie, mais plutôt crier victoire de façon préemptive. Fukuyama était persuadé qu’il ne fallait ni abandon des extrêmes, ni meilleur des deux mondes, ni voie mitoyenne. La chute du communisme, dit-il, ne conduisait pas à « une fin de l’idéologie ou à une convergence entre capitalisme et socialisme. Elle déboucherait plutôt sur une victoire sans équivoque du libéralisme économique et politique ». Ce qui était fini, c’était non pas l’idéologie mais l’histoire en tant que telle. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Malgré leurs divergences, toutes les factions du mouvement de libération s’entendaient pour sire que l’apartheid n’était pas uniquement un système politique régissant le droit de vote et la liberté de mouvement. C’était aussi un système économique qui se servait du racisme pour imposer un ordre extrêmement lucratif en vertu duquel une petite élite blanche tirait d’énormes profits des mines, des exploitations agricoles et des usines de l’Afrique du Sud parce que les membres de la vaste majorité noire n’avait pas le droit de posséder la terre et devait fournir leu travail à une fraction seulement de sa valeur – en cas de rébellion, ils étaient battus et emprisonnés. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « De 1997 à 2004, le gouvernement sud-africain a vendu dix-huit sociétés d’état. Près de deux des quatre milliards de dollars recueillis ont servi au remboursement de la dette. En d’autres termes, l’ANC, non content de revenir sur la promesse initiale de Mandela de « nationaliser les mines, les banques et les industries en situation de monopole », a dû, en raison du poids de l’endettement, faire exactement le contraire, c’est-à-dire brader des actifs publics pour rembourser les dettes de ses oppresseurs. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Le communisme s’était effondré sans qu’un seul coup de feu fût tiré ; pour se défendre, le capitalisme de l’école de Chicago avait pour sa part besoin d’une considérable puissance de feu. En effet, Eltsine mobilisa 5000 soldats, des dizaines de tanks et de blindés, des hélicoptères et des commandos d’élite armés de mitrailleuses – tout cela pour défendre la nouvelle économie capitaliste de la Russie contre une grave menace : la démocratie. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « C’est au premier ministre de la Russie, l’inébranlable et vaguement sinistre Vladimir Poutine, que l’on confia la tâche de traquer les « bêtes sauvages ». Tout de suite après les explosions, à la fin de septembre 1999, Poutine ordonna des frappes aériennes contre les zones civiles de la Tchétchénie. Dans le nouveau contexte de terreur, le fait que Poutine eût passé dix-sept ans au KGB – le symbole le plus craint de l’ère communiste – semblait soudain rassurer de nombreux Russes. Comme Eltsine sombrait de plus en plus dans l’alcoolisme, Poutine, le protecteur, était idéalement placé pour lui succéder à la présidence. Le 31 décembre 1999, au moment où la guerre en Tchétchénie interdisait tout débat sérieux, quelques oligarques organisèrent une discrète passation des pouvoirs d’Eltsine à Poutine, sans élections à la clé. Avant de se retirer, Eltsine, s’inspirant d’une autre page du livre de Pinochet, exigea l’immunité. Le premier geste de Poutine en tant que président fut donc de signer la loi qui mettait son prédécesseur à l’abri de toute poursuite judiciaire, que ce fût pour des actes de corruption ou pour les assassinats de manifestants en faveur de la démocratie commis par l’armée pendant qu’il était au pouvoir. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Tel était donc le fin mot de la dramatique « fin de l’histoire » annoncée par Fukuyama à l’occasion de la conférence qu’il prononça à l’université de Chicago en 1989. Son intention n’était pas d’affirmer l’avènement de la pensée unique dans le monde. Seulement, avec la chute du communisme, il n’y avait pas d’autre idée suffisamment porteuse pour constituer un concurrent sérieux. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Au contraire de ce qu’il s’était passé dans l’ex-Union soviétique, où on avait pu imputer la misère planifiée induite par la thérapie de choc à une « transition douloureuse » entre le communisme et la démocratie de marché, la crise asiatique fut une pure création des marchés mondiaux. Mais lorsqu’ils dépêchèrent des missions dans la zone sinistrée, les grands prêtres de la mondialisation ne cherchaient en réalité qu’à décupler la douleur. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Du point de vue militaire, la guerre contre le terrorisme, définie de façon aussi tentaculaire et informe, est impossible à gagner. Du point de vue économique, en revanche, elle est impossible à perdre : en effet, on a affaire non pas à un conflit éphémère susceptible d’être gagné, mais, au contraire, à un élément nouveau et permanent de l’architecture économique mondiale. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « En rejoignant les rangs de l’équipe de Georges W. Bush en 2001, Rumsfeld avait une mission : réinventer l’art de la guerre au XXIe siècle pour en faire une manifestation plus psychologique que physique, un spectacle plutôt qu’une lutte. Et, surtout, un exercice beaucoup plus rentable que jamais auparavant. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « L’invasion de l’Irak marqua le retour en force des premières méthodes de la croisade néolibérale – le recours au choc ultime comme moyen d’éliminer par la force tous les obstacles à la construction d’Etats corporatistes modèles entièrement libres de toute ingérence. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « L’utilisation que l’on fit des milliards destinés à la reconstruction de l’Irak n’eut toutefois rien à voir avec le précédent invoqué par Bush. En vertu du plan Marshall, les sociétés américaines tirèrent des profits de la vente de biens et de denrées alimentaires à l’Europe, bien sûr, mais le projet avait explicitement pour but d’aider les pays ravagés par la guerre à redevenir des marchés autosuffisants, à créer des emplois et à se doter d’assiettes fiscales capables de financer des services sociaux. Les économies mixtes de l’Allemagne et du Japon d’aujourd’hui confirment d’ailleurs la réussite de la démarche. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Indépendamment de l’état de l’économie, il y a désormais une élita comptant assez de nouveaux multimillionnaires et milliardaires pour que Wall Street voie en eux une catégorie de « superconsommateurs » capables de soutenir cette forme de demande. Ajay Kapur, ex-chef du groupe chargé de la stratégie d’investissement mondial de Citigroup Smith Barney, encourage ses clients à placer leur argent dans un panier d’actions « ploutonomiques », où figurent au premier plan des sociétés comme Bulgari, Porsche, Four seasons et Sotheby’s. « Si la ploutonomie se poursuit, comme nous le croyons, et que l’inégalité des revenus persiste et même s’accroit, le panier de produits ploutonomiques devrait donner de très bons résultats. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Dans un rapport (« Une défense négligée : mobiliser le secteur privé pour soutenir la sécurité intérieure ») produit par un comité dont faisaient partie des représentants de quelques-unes des plus grandes sociétés du secteur, on lançait la mise en garde suivante : « L’élan humanitaire qui pousse le gouvernement fédéral à fournir une aide d’urgence aux victimes d’une catastrophe nuit au mode de gestion des risques du marché. » »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « L’avalanche de désastres qui a marqué les dernières années s’est traduite par des profits si spectaculaires que de nombreux citoyens de la planète en sont venus à la même conclusion : les riches et les puissants tirent des catastrophes des profits tels qu’ils en provoquent forcément à seule fin de les exploiter. [……]. La vérité est à la fois moins sinistre et plus dangereuse. Car un système économique qui exige une croissance constante tout en refusant presque toutes les tentatives de réglementation environnementale génère de lui-même un flot ininterrompu de désastres militaires, écologiques ou financiers. La soif de profits faciles et rapides que procurent les placements purement spéculatifs a transformé les marchés boursiers, financiers et immobiliers en machines à fabriquer des crises.  »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « La recette de la guerre mondiale à perpétuité est d’ailleurs celle que l’administration Bush avait proposée au complexe du capitalisme du désastre naissant, au lendemain du 11 septembre. Cette guerre, aucun pays ne peut la gagner, mais là n’est pas la question. Il s’agit plutôt de créer la « sécurité » dans des pays forteresses soutenus par d’interminables conflits de faible intensité à l’extérieur de leurs murs. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « En Russie, nombreux sont ceux qui considèrent le règne de Poutine comme un contrecoup du même genre à l’époque de la thérapie de choc. Comme des dizaines de millions de citoyens appauvris par les réformes sont encore exclus de l’économie en rapide croissance, les politiciens n’ont aucune difficulté à attiser le ressentiment du public vis-à-vis des événements du début des années 1990, souvent présentés comme le résultat d’un complot étranger ayant eu pour but de forcer l’Union soviétique à se soumettre et d’assujettir la Russie « à une tutelle extérieure ». »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽  « Washington a toujours considéré le socialisme démocratique comme une plus grande menace que le communisme totalitaire, qui, facile à diaboliser, constituait un ennemi commode. Dans les années 1960 et 1970, la méthode privilégiée pour faire face à la popularité gênante du développementalisme et du socialisme démocratique constituait à les assimiler au stalinisme en gommant délibérément les différences très nettes entre les conceptions du monde qu’ils incarnaient. (aujourd’hui, on obtient le même résultat en assimilant au terrorisme toutes les formes d’opposition.) »

 






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