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La tristesse du Samouraï

De Victor del Arbol, aux éditions Babel, 2011

Retour à Barcelone à travers les lignes d’un roman éblouissant de Victor del Arbol. Comme dans le dernier roman de cet auteur que j’ai lu « Toutes les vagues de l’océan », un puzzle machiavélique à l’échelle du temps et de l’Histoire se met en place. Les protagonistes y sont ballotés de gré ou de force par les hommes et les événements pour finalement atteindre le seul dénouement possible, une fin dramatique voulue par les dieux antiques de la tragédie grecque. Dans ce roman, Victor del Arbol, tel une déité ni mauvaise ni bonne, joue avec la destinée de ses personnages dans l’Espagne de l’après franquisme.


En 1981, Maria, avocate reconnue échange avec un inspecteur. Il lui demande de l’éclairer sur des événements qui ont commencé 40 ans plus tôt. Cette histoire incroyable et sanglante commence sur les quais d’une gare, une jeune femme belle et élégante attend avec son fils le train pour Lisbonne. Elle n’atteindra jamais le Portugal. Depuis 5 ans, un inspecteur croupit derrière les barreaux, c’est Maria qui a brillamment défendu la victime, c’est elle aussi qui, sans le savoir, a libéré de vieux démons.


C’est donc le second roman de Victor del Arbol que je lis et celui-ci plonge profondément dans les tréfonds de l’âme humaine et dans les circonvolutions de l’histoire du siècle dernier. Ses livres denses et épais se lisent avec beaucoup de facilité et de fascination grâce à un talent de narration incroyable qui efface une certaine complexité des situations. Je me suis donc trouvé complétement happé par ce thriller psychologique que je ne peux que vous conseillez.

Début du livre « Il faisait froid, la voie de chemin de fer était recouverte d’une couche de neige dure, sale, maculée de rouille. Un enfant brandissait une épée de bois, hypnotisé par l’enchevêtrement des rails. »


Extrait « La sympathie première de Maria tourna à la méfiance. Soudain, son sourire ironique et son regard condescendant l’inquiétèrent. Ses petits yeux surmontés d’épais sourcils gris étaient comme des sondes qui disséquaient ce qu’ils voyaient, analysaient les données sur-le-champ et en tiraient des conclusions qui se reflétaient sur le visage concentré, sur la bouche aux lèvres fines et aux dents jaunies. »


Extrait « Le quartier était le gros intestin qui expulsait les excréments de la ville. Mais même à l’intérieur de ce micro-monde il y avait des lieux pires que d’autres, qu’on découvrait à mesure qu’on franchissait les cercles concentriques qui entouraient le cœur même de la misère. Des lieux où n’accédait jamais la littérature, le romantisme de la pauvreté, des lieux qu’on ne pouvait atteindre qu’après avoir été contaminé par les miasmes de la dégradation absolue. »


Extrait « Le crépuscule explosait dans les gris et les rouges. Au loin, on voyait les voiliers du port de plaisance de Barcelone, tels des chevaux entravés qui s’ébrouaient. Les souvenirs de son enfance lui revinrent à l’esprit. Il avait grandi non loin de là, à la Barceloneta, et il avait toujours rêvé de posséder de genre de bateaux, dont il lavait le pont à genoux quand ils étaient au mouillage, en échange de quelques pesetas. Il avait cru qu’il avait aussi le droit d’être un de ces heureux propriétaires qui se pavanaient à Ibiza, à Cannes ou en Corse, en compagnie de femmes éblouissantes, sous un soleil toujours bienveillant. C’était la clé de tout. Pour la première fois, il le reconnaissait sans ambages. L’argent, le pouvoir, sortir du ruisseau et côtoyer les grands, tel avait été son seul objectif dans la vie. Et cette fin avait justifié tous les moyens. »

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