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📙 [𝓒𝓱𝓻𝓸𝓷𝓲𝓺𝓾𝒆] Les groseilles de novembre

  • jmgruissan
  • 4 mai
  • 4 min de lecture

De Andrus Kivirähk, aux éditions Le Tripode, 2000


🔥🔥🔥🔥🔥

[Coup de cœur] C’est à nouveau un véritable coup de cœur pour ce livre de l’auteur de L’homme qui parlait la langue des serpents. Dès les premières pages il nous embarque dans la mythologie et les traditions estoniennes du moyen-âge. A cette période, les habitants vivent en totale connexion avec les esprits, les démons, les loup-garou, les sorcières et ces petits génies appelés Kratts, des créatures volantes façonnées à partir de vieux objets, animées par 3 gouttes de sang données au diable et qui rapportent à leurs maîtres de l’argent ou de la nourriture. Car à cette époque révolue, il est courant de marchander avec le diable pour subsister ou voler ces voisins. Kivirähk a un don de conteur incroyable, et à la fin des Groseilles de novembre, j’aurais bien pris quelques mois de groseilles supplémentaires.

 

Note de l’éditeur que j’ai trouvée très instructive avant de lire ce roman.

Pour pleinement goûter les charmes de ce roman, il convient de rappeler que l’Estonie a été l’une des dernières régions païennes de l’Europe. Elle n’a été conquise et évangélisée qu’au début du XIIIe siècle, dans le cadre d’une croisade menée par des chevaliers allemands. A partir du Moyen-Âge, les paysans estoniens sont devenus des cerfs au service des grands propriétaires fonciers, les « barons baltes ». Mais, chez Kivirähk, le peuple n’a rien perdu de son espièglerie et de ses croyances. S’alliant parfois avec le diable, cohabitant dans leurs villages avec les esprits et les monstres le plus divers, les paysans façonnent régulièrement des kratts pour satisfaire leurs désirs et duper de piètres seigneurs…

 

Voici un roman découpé en 30 jours, j’ai cherché sans succès le 31ème. 30jours d’un hameau perdu en Estonie dans le lequel la vie semble s’écouler « normalement » pour le Moyen-Âge. Chacun essaie de nourrir sa famille, en travaillant sa terre ou pour baron, en chapardant les voisins ou le seigneur du château, en mendiant, ou bien en utilisant des procédés de sorcellerie. C’est là que l’on comprend vite que ces villageois vivent dans un monde empreint de magie, où la rationalité n’a pas encore pris le dessus sur les pratiques païennes, où le christianisme, avec ses anges et ses démons, se résume à des rites et des formules incantatoires. Bienvenue de l’autre côté du miroir.

 

Kivirähk manie aussi l’humour, avec beaucoup d’aisance. Même dans les situations les plus critiques, quelques pirouettes de style, ou du comique de situation peuvent dédramatiser les scènes parfois grotesques que les habitants se jouent. On en ressort profondément ému et ces 30 jours de vie et de mort, sont un condensé tragi-comique de notre propre existence. A défaut de pouvoir lire d’autres mois de ce village estonien, je vais me rabattre sur un autre ouvrage de l’auteur.

 

❓Prendrez-vous quelques groseilles ?



𝓓𝒆́𝓫𝓾𝓽 𝓭𝓾 𝓵𝓲𝓿𝓻𝒆 « 1er novembre

Peu avant midi, le soleil se montra un instant. Cela faisait plusieurs semaines que l’on avait pas vu un tel prodige : depuis le début d’octobre, le temps était resté gris et pluvieux.  »

 



𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « Hans resta jusqu’à une heure tardive dans la chambre d’Ints. Il fuma le gros cigare du baron et fit semblant d’écouter les histoires du valet, mais en réalité, il n’écoutait que sa propre respiration, en se disant qu’à l’étage au-dessus, la jeune fille respirait au même rythme que lui.

Pendant la nuit, les loups vinrent dévorer le cadavre de l’habitant de Saaremaa qu’on avait laissé sous le bouleau. »

 



𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « - Qu’est-ce qu’une dulcinée ? demanda le granger.

-          On appelle ainsi chez eux une jolie femme, expliqua le régisseur, qui avait déjà acquis quelques connaissances.

-          Où ça, chez eux ?

-          Dans le pays d’où je viens, répondit le bonhomme de neige. J’ai voyagé partout, depuis des temps infinis, et j’ai vu énormément de choses. J’ai coulé sous forme de fleuve dans de nombreux pays et chez de nombreux peuples. Plusieurs d’entre eux ont aujourd’hui disparu de la surface de la terre et je les ai oubliés moi aussi, car un flot incessant d’impressions nouvelles les a recouverts. »

 

𝓔𝔁𝓽𝓻𝓪𝓲𝓽 « - Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle d’un ton bourru.

-          C’est le pasteur ! Le vieux Moosel ! articula Ott, la voix entrecoupée. Il m’a surpris ce matin en train de gratter les dorures de l’autel avec mon couteau et il m’a chassé de l’église. En plus, il a promis de veiller à ce que je sois sévèrement puni, voire pendu ! Et tu me demandes ce qui se passe ! Il ne pouvait rien se passer de pire !

-          Mais quel besoin avais-tu de gratter cet autel ? se fâcha la sorcière. Tu sais ben que c’est un lieu sacré !

-          Bien sûr que je le sais ! C’est justement pour ça que je le grattais ! C’est de l’or sacré. Et on dit que si tu payes à la taverne avec cet or, alors celui-ci revient en secret dans ta poche. Comme ça, tu peux payer éternellement avec le même morceau d’or sans t’appauvrir. »

 





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