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Lovecraft country

De Matt Ruff, aux éditions 10/18, 2017

Parfois, à la fin d’un livre, on consulte la bibliographie de l’auteur pour espérer une suite, c’est mon cas pour Lovecraft country. En effet, le décor est planté au milieu des années 50 aux Etats-Unis, pendant des épisodes ségrégationnistes forts, violents et humiliants pour la communauté noire américaine. Mais cette Amérique est aussi le centre d’une guerre de sorciers, plus précisément de philosophes naturels blancs qui ont ambition de découvrir les secrets les plus obscurs de notre terre et d’ailleurs. On rejoint ainsi les contrées de Lovecraft dans lesquelles la santé mentale des héros noirs sera mise à rude épreuve.

Tout cela pour dire que c’est un coup de cœur et que la dernière page achevée… je reste en manque.


Atticus est un jeune noir américain qui est revenu de la guerre de Corée. Il s’embarque avec son oncle et une amie à la recherche de son père qui lui a laissé un mystérieux message. Le voyage n’est pas sans danger car au début des années 50, l’Amérique est régie par les lois Jim Crow, qui restreignent les interactions entre les blancs et les noirs par la ségrégation. Outre les rencontres souvent stressantes avec des psychopathes racistes, ils vont devoir affronter des forces surnaturelles tout autant effroyables.


Incroyable roman dans lequel se mêlent deux paradigmes, l’un lié à la magie et l’horreur gothique l’autre au racisme le plus primaire, et pourtant tout deux aussi abominables. Car, même si d’importants problèmes subsistent encore entre communautés aux Etats-Unis, la ségrégation et les excès qu’elle a générés, semblent à ce point incompréhensible de nos jours. Matt Ruff signe un roman intelligemment construit et malin, pour le plaisir et la réflexion du lecteur.



Les lois Jim Crow (Jim Crow Laws en anglais) étaient des lois nationales et locales issues des Black Codes, promulguées par les législatures des États du Sud à partir de 1877 jusqu'en 1964, lois qui ont été mises en place pour entraver l'effectivité des droits constitutionnels des Afro-Américains, acquis au lendemain de la Guerre de Sécession : le Treizième amendement de la Constitution des États-Unis du 6 décembre 1865 abolissant l'esclavage, le Quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis de 1868, accordant la citoyenneté à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et interdisant toute restriction à ce droit, et le Quinzième amendement de la Constitution des États-Unis, de 1870, garantissant le droit de vote à tous les citoyens des États-Unis.


Les plus importantes lois Jim Crow introduisaient la ségrégation dans les services publics (établissements scolaires, hôpitaux, transports, justice, cimetière, etc.), les lieux de rassemblement (restaurants, cafés, théâtre, salle de concert, salles d'attentes, stades, toilettes, ...) et restreignaient les interactions sociales entre Blancs et gens de couleur au strict minimum, cela au nom du principe « separate but equal » (séparés mais égaux).


Les différents mouvements et actions visant l'application des droits civiques auront pour objet l'abrogation de ces différentes lois, notamment par la saisine de la Cour Suprême pour demander des arrêts au sujet de situations de ségrégation pour en vérifier la constitutionnalité. C'est ainsi que la ségrégation scolaire a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis en 1954 (arrêt Brown v. Board of Education) Suivront d'autres affaires. Les Lois Jim Crow ont été définitivement abolies par le Civil Rights Act de 1964 et le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 qui mettent juridiquement fin à la ségrégation raciale sur l'ensemble des États-Unis.



Début du livre « Atticus était presque arrivé chez lui lorsque le policier le fit s’arrêter.

Il avait quitté Jacksonville deux jours plus tôt, à bord d’une Cadillac coupée 1948 d’occasion, achetée avec les derniers dollars de sa solde. La première journée, il avait parcouru sept cent vingt kilomètres. Tout en conduisant, il avait mangé le contenu d’un panier préparé avant son départ et n’avait marqué de pauses que pour faire le plein. Dans l’une des stations-essence, les toilettes pour personnes de couleur étaient hors service ; lorsque le caissier avait refusé de lui donner la clef des toilettes des Blancs, il avait dû uriner dans les buissons, derrière le bâtiment. »


Extrait « …- Il existe des failles. Non pas des exceptions aux règles, comprenez bien – il n’y en a aucune -, mais des cas particuliers, des anomalies naturelles qui peuvent être identifiées et exploitées par les êtres suffisamment clairvoyants. Et même là, le possible obéit à des limites strictes. La plupart des chercheurs peuvent espérer, au mieux, un petit miracle de temps à autre. Seuls les plus extraordinaires des philosophes naturels sont à même d’aller plus loin et d’accomplir une œuvre authentiquement grandiose. »


Extrait « Des dizaines de tentacules pâles en jaillirent et s’enroulèrent autour des membres, du torse, du cou et de la tête de l’homme, puis le tirèrent d’un coup sec pour l’avaler avant même qu’il puisse crier. Le temps que son compagnon se rende compte que quelque chose clochait et se retourne, la sphère s’était refermée. »


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