Nouvelle Babel
De Michel Bussi, aux éditions Les Presses de la Cité, 2022
Difficile de classer ce roman de Michel Bussi. Soit roman policier, soit roman d’anticipation, thriller futuriste ou roman noir, mais surtout roman philosophique sur la liberté et le bonheur. Dans un futur, pas si éloigné, l’homme maîtrise totalement la téléportation individuelle, et les plus beaux endroits du monde sont accessibles à toute l’humanité. Après la parole, l’image, l’immédiateté devient désormais physique. Chacun est devenu littéralement citoyen du monde et toute velléité nationaliste a par conséquent disparu. Mais aussi nos différences, nos traditions, notre identité et petit à petit notre passé qui s’estompe. On en oublie le chemin, le parcours, les étapes qui sont souvent plus importantes que le but, comme l’exprime Orelsan « Ce qui compte, c’est pas l’arrivée, c’est la quête. »
En 2097, des retraités allemands sont mystérieusement assassinés sur une île privée. Ces meurtres sont d’autant plus incroyables que l’accès à leur coin de paradis est impossible à toute personne non autorisée. Dans ce futur, la téléportation rend accessible n’importe quel endroit du monde sauf les propriétés privées, le tout étant réglementé par l’Organisation Mondiale des Déplacements et géré par le plus performant des systèmes informatiques. Les trois policiers chargés de cette enquête vont affronter un tueur impitoyable mais aussi découvrir les fondements ce cette nouvelle société « utopique ».
A travers ce livre, Michel Bussi pointe du doigt les faux-semblants de nos sociétés ultra connectées. La croyance en une liberté totale est souvent accompagnée d’algorithmes très performants qui connaissent tout de nous, nos habitudes, nos envies, nos désirs, notre potentiel commercial mais aussi nos travers. Finalement aucun individu n’aura été autant surveillé que dans un monde qui se veut, et que l’on croit, le plus libre. Michel Bussi mélange avec brio tous les genres pour faire de la Nouvelle Babel un excellent roman.
Début du livre « Comme chaque matin, Rupert Welt contemplait la longue plage blanche de Tetamanu. Si la téléportation n’avait pas été inventée, ça n’aurait rien changé, il aurait pu vivre le reste de sa vie ici, dans cet atoll des Tuamotu ensoleillé toute l’année, loin de toute terre habitée. »
Extrait « Les grandes puissances se sont refermées sur elles-mêmes, les clés ont été confiées à des leaders désignés par leur peuple, défendant leur pays comme des pitbulls défendent une gamelle. Chacun s’est recroquevillé. Jamais le monde n’a été aussi égoïste. Des millions de migrants sont morts de ne pas pouvoir changer d’hémisphère, dans l’indifférence générale des nations barricadées. Jamais l’économie n’avait circulé aussi librement, l’argent, les images, la musique, ce que les gens mangeaient ou portaient sur le dos, et pourtant jamais la Terre n’avait été autant divisée, en deux cents morceaux, deux cents Etats ne jurant chacun que par son intérêt particulier. »
Extrait « La Bible raconte que Dieu, vexé que les hommes puissent le défier, se contenta de brouiller leur langue. En se réveillant, un matin, les hommes furent incapables de se comprendre. On croit souvent que Dieu, dans sa colère, a détruit la tour de Babel. On se trompe, ce sont les hommes, empêchés de communiquer entre eux, qui ont abandonné de leur projet et se sont dispersés. Chaque peuple, recroquevillé autour de sa langue, s’est approprié un coin de la Terre. »
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